« Mon tissu préféré » : sujets politique et intime sans résonance

« Mon tissu préféré » : sujets politique et intime sans résonance
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En mars 2011, la Syrie plonge inexorablement dans la guerre civile. Nahla (Manal Issa) vit dans un petit appartement de Damas avec sa mère et ses deux sœurs cadettes. Elle exerce un petit boulot dans un magasin de prêt-à-porter et rêve d’une autre vie.

Sa mère a organisé pour elle un projet de mariage avec Samir (Saad Lostan), un compatriote expatrié aux États-Unis. Mais leur rencontre tourne au fiasco et le fiancé lui préfère sa jeune sœur Myriam (Mariah Tannoury). Pour s’évader, Nehla se réfugie chez une voisine, Madame Jiji (Ula Tabari), qui vient d’ouvrir une maison close.

Projeté à Cannes en mai dernier dans la section “Un Certain regard”, Mon tissu préféré est l’œuvre d’une réalisatrice syrienne, réfugiée en France depuis 2012, qui tente sans succès de traiter de front deux sujets.

Le premier est l’émancipation d’une jeune femme. Le second est la guerre civile qui déchire le pays. Le problème est que ces deux sujets ne résonnent guère. C’était d’ailleurs le défaut l’an passé de Une famille syrienne, huis clos théâtral qui mettait en scène plusieurs familles coincées dans un appartement sous les bombes. Que la tragédie que vit son pays puisse bouleverser la réalisatrice est légitime. Mais qu’elle en fasse l’arrière-plan obligé de son film, comme si taire ce contexte dramatique serait trahir ses origines, n’est pas indispensable.

Que le film se déroule dans un pays au bord de la guerre civile ou pas ne change en effet pas grand chose au trouble de Nahla. Elle vit les tourments, mille fois filmés, de la sortie de l’adolescence, de l’entrée dans l’âge adulte, de la découverte de la sexualité, du départ à la fois désiré et redouté du nid familial. D’ailleurs cette émancipation n’est pas surdéterminée par son milieu : on sait gré à Gaya Jiji de nous avoir évité les lieux communs sur la femme arabe et son asservissement. Ce qui advient à Nahla, qui vit tête nue dans une ville où le voile n’est pas de rigueur et n’est nullement contrainte à un mariage qu’elle ne veut pas, pourrait advenir à n’importe quelle jeune fille sous n’importe quelle longitude.

On en revient à Nahla et à ses émois. Ils sont étrangement inaboutis. C’est d’ailleurs peut-être une preuve d’authenticité. Sauf que cette authenticité passe mal. Son personnage, pas vraiment sympathique, ne suscite guère d’empathie ; ses atermoiements lassent bientôt. On ne sait pas où elle va. Du coup, on n’a guère envie d’y aller avec elle.

Tony PARODI

 



Gaya Jiji, Mon tissu préféré, France – Turquie – Allemagne, 2018, 96mn

  • Sortie : 18 juillet 2018
  • Genre : drame
  • Classification : tous publics
  • Avec : Manal Issa, Ula Tabari, Metin Akdülger, Gaya Jiji, Wissam Fares, Mariah Tannoury, Souraya Baghdadi, Saad Lostan, Nathalie Issa, Rand Raslan, Amani Ibrahim, Hala Sayasne
  • Scénario : Eiji Yamazaki, Gaya Jiji
  • Image : Antoine Héberlé
  • Musique : Peer Kleinschmidt
  • Distribution : Sophie Dulac distribution

En savoir plus sur le film avec CCSF : Mon tissu préféré

Gaya Jiji, Mon tissu préféré, avec Manal Issa (film)



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