Tristan Choisel : « Le théâtre est un espace de liberté assez incomparable »

Tristan Choisel : « Le théâtre est un espace de liberté assez incomparable »
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Qu’il traite de ZAD, de biodiversité, d’effondrement ou d’avenir, le dramaturge Tristan Choisel reconnaît un thème majeur, comme une obsession : « L’idée de fuite est au centre de mon travail. » Mais le 4 octobre prochain, il ne fuira pas : il présentera son texte S’en sortir ici / Sortir d’ici lors de la rencontre d’automne de l’association ALT. Entretien.

Lauréat de l’aide d’encouragement du Centre national du théâtre en 2008, Tristan Choisel est l’auteur d’une dizaine de pièces (trois en co-écriture avec Michèle Énée, trois avec le soutien du collectif À Mots Découverts). Plusieurs d’entre elles ont été mises en espace et/ou mises en lecture, notamment Coaching littéraire en août 2019, au festival Mousson d’été de la MEEC.

Le vendredi 4 octobre, il présentera des extraits de sa pièce inédite S’en sortir ici / Sortir d’ici lors de la soirée Émulsion ALT, au Shakirail à Paris. À cette occasion, après une « boum littéraire » faisant se rejoindre différents artistes autour du texte, il sera proposé à tous les participants d’en obtenir un exemplaire afin de poursuivre l’échange le samedi 12 octobre, avec l’auteur et les autres lecteurs volontaires. Cette session ALT d’automne proposera aussi Bleu d’Anna Lemonaki, aux mêmes dates et lieux. Il est possible de participer aux deux rencontres Infiltration du samedi.

Rencontre

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Comment résumerais-tu S’en sortir ici / Sortir d’ici en quelques mots ?

C’est une dystopie dans laquelle les gens n’ont que deux choix de vie, deux options caricaturales : vivre en dehors de la société, ne pas en avoir les avantages mais être libres, faire partie des zadistes en quelque sorte, ou bien vivre dans le confort de la société mais en être captifs, être exposés au ‘‘burn-out’’, à la maltraitance au travail. On suit les parcours de plusieurs personnages plongés dans ce monde imaginaire, au fil de différents registres de textes (des interviews, des narrations, des scènes de dialogue).

ALT session automne 2019Ces sujets sont-ils récurrents dans ton écriture ?

D’une pièce à l’autre, c’est un peu comme si j’essayais d’épuiser toutes les manières imaginables de fuir la réalité. Ça peut aller de manières tout à fait irréelles, par exemple fuir au moyen d’une porte spatio-temporelle, ou bien beaucoup plus réalistes comme la disparition volontaire… Dans S’en sortir ici / Sortir d’ici, c’est la fuite vers une société parallèle. La pièce fait notamment référence aux zadistes qui, à leur façon, essaient d’échapper à l’enfermement dans lequel on s’est trouvé menés, celui du commerce, de la surexploitation des ressources, de la consommation. Si l’idée de fuite est au centre de mon travail, c’est sûrement lié à mon histoire personnelle mais beaucoup aussi à notre époque : il me semble qu’on est collectivement dans une situation où il n’y a pas d’issue. Je ne sais pas comment on va faire pour échapper aux dérèglements écologiques. Je cherche dans mes textes des portes de sortie pour l’humanité… Ce qui ne sert pas à grand chose, de manière pratique, ça ne va pas nous tirer de là !

Quand as-tu commencé à écrire du théâtre ?

Autour de mes vingt ans, je me suis inscrit dans un cours de théâtre, pour contrer une certaine timidité. J’ai alors été complètement emballé ! À l’époque, j’écrivais déjà des nouvelles, de la poésie ; le théâtre a commencé à m’inspirer. Durant une dizaine d’années, j’ai néanmoins écrit de la chanson ; ça me plaisait, mais je me trouvais malgré ça engoncé dans la rime, dans le format court. Lorsque Michèle Enée, la chanteuse pour laquelle j’écrivais, a cessé de chanter, je me suis résolument tourné vers l’écriture dramatique.

Qu’est-ce qui t’intéresse particulièrement dans ce registre littéraire ?

C’est un espace de liberté assez incomparable parmi les formes d’expression. J’aime aussi son côté archaïque, artificiel, cette convention qui veut que des gens s’assoient devant une scène et que quelque chose s’y passe. Écrire pour le théâtre, ça veut également dire : avoir des contacts avec des comédiens, avec le public, comme en chanson on écrit en vue d’un spectacle ; on n’est pas aussi seul que dans le roman, par exemple.

Que signifie pour toi le fait d’être auteur de théâtre ?

Considérer que ce que j’écris ne va pas suffire, que mon texte va être utilisé par un metteur en scène, par des comédiens. J’écris en me disant que je ne dois pas créer une totalité comme le ferait un romancier ou bien un scénariste. Le texte de théâtre est vraiment une matière qui demande à être transformée, métamorphosée.

Néanmoins, considères-tu que le théâtre se lit ?

Oui, c’est de la littérature. Simplement, on le lit en sachant que quelque chose d’autre peut en être fait, quelque chose d’autre que ce qu’on se figure à la lecture.

Te rappelles-tu d’une première pièce marquante ?

Je crois que je n’ai commencé à lire du théâtre que lorsque j’ai couru le risque de prendre des cours. Avant, je n’en avais tout simplement pas eu l’idée. Ce qu’il faut comprendre, c’est que je ne viens pas d’une famille littéraire, mais d’une famille ouvrière où il n’y avait pas de livres. À l’école, j’avais – comme les autres – lu Les Fourberies de Scapin mais, à vrai dire, ça ne m’avait pas énormément marqué. Grâce à ce cours de théâtre, j’ai donc commencé à lire Shakespeare, Pinter, Gorki, Tourgueniev… Les auteurs du théâtre de l’absurde. La bonne âme du Se-Tchouan, de Brecht, m’a beaucoup marqué. J’ai écrit mes premières pièces un peu à l’instinct, en ayant très peu lu – et encore moins vu – de théâtre. Puis je me suis dit que ça n’était pas possible de continuer ainsi !

Sur quoi écris-tu actuellement ?

Je n’écris jamais une seule pièce à la fois ; pendant que je travaille sur l’une, les autres reposent. C’est ma technique pour avoir du recul sur ce que je fais. En ce moment, je travaille sur la religion, la biodiversité, l’effondrement, l’avenir, le suicide (une autre façon de s’échapper, que je n’avais pas encore traitée). J’écris notamment sur les sectes, qui sont des échappatoires, des solutions imaginaires, des entreprises qui peuvent sembler tout à fait farfelues mais qui sont dignes d’êtres observées.

Propos recueillis par Annabelle VAILLANT
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