Dijon – Quand l’entreprenariat culturel renouvelle en profondeur le tissu urbain !

Dijon – Quand l’entreprenariat culturel renouvelle en profondeur le tissu urbain !
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Créée en 2010 par Frédéric Ménard et Jean-Claude Girard, directeur de Dijon Habitat, la Coursive Boutaric conjugue lien social et entreprenariat culturel dans le quartier prioritaire des Grésilles. Lauréat en 2014 de l’appel à projet pour le développement des PTCE* et récompensé en mai dernier, par la ministre de la culture Françoise Nyssen, du prix IFCIC, le pôle de coopération d’entreprises créatives est devenu un cas d’école en matière d’économie sociale et solidaire (ESS). Qu’est-ce qu’une telle initiative permet ?

La Coursive Boutaric : un projet en pleine extension

Ce sont tout d’abord cinq salariés répartis entre Dijon – au 8e étage d’un immeuble du quartier des Grésilles – et Besançon – au 52 battant, espace collaboratif des industries culturelles et créatives –, qui coordonnent un pôle de 23 organismes membres, issus du secteur culturel, et développent des actions aux services de la filière. On trouve parmi eux la Péniche Cancale, une coopérative culturelle, ou encore la salle de musiques actuelles La Vapeur.

L’équipe de la Coursive se prépare à déménager – sans néanmoins changer de quartier – à l’automne 2018, dans un espace plus adapté, comprenant deux plates-formes de 300 et 200 mètres carrés dont : une quarantaine de postes de travail, un espace convivial, une salle dédiée à la formation, des bureaux et un atelier consacré à l’édition.

Pour adhérer, l’organisme demandeur doit écrire une note d’intention et remplir une fiche ; il peut ensuite participer aux réunions et services offerts par le pôle : « Si les adhérents bénéficient de nos outils d’accompagnement, il faut en retour une volonté de s’inscrire dans un projet collectif », précise Frédéric Ménard. Deux axes guident leurs actions : contribuer au renouvellement urbain et développer l’entreprenariat culturel.



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Contribuer au renouvellement urbain…

Une trentaine de personnes travaillent sur place : « Nous ne sommes pas enfermés dans notre petit monde culturel : certaines personnes sont issues de milieux divers comme la pharmacologie, ou encore la vente par correspondance. Nous avons par exemple accueilli un éditeur, qui a partagé le même bureau qu’un contrôleur de gestion ; tous deux se sont finalement liés d’amitié et spécialisés dans le contrôle de gestion des maisons d’édition. »

Zutique Productions, créé par Frédéric Ménard et Romain Aparicio, porte avant tout les projets du territoire, faisant vivre le quartier des Grésilles qui a souffert de la délinquance et d’un manque d’attractivité : « Nous organisons des ateliers artistiques pour les jeunes et de nombreux concerts à la MJC ». Cet engagement social passe aussi par l’accueil de personnes en rupture avec le monde professionnel ou encore par la réhabilitation d’espace communs, comme la création de jardins partagés. Pour Frédéric Ménard, amener la culture dans un quartier implique de s’adapter aux besoins de ses habitants : « Nous n’imposons pas notre vision de la culture, nous la partageons ! »

Frédéric Ménard

… en développant l’entreprenariat culturel et la mutualisation

Le second objectif est de soutenir les entreprises culturelles par l’accompagnement, la formation au management culturel, en partenariat avec la Burgundy School of Business, et l’organisation des Rencontres de l’entreprenariat culturel et créatif à Besançon. Celles-ci sont soutenues par le ministère de la culture et l’ENCAT, « le bras armé du management culturel au niveau européen », explique Frédéric Ménard.

« L’action phare de notre mode de coopération est le développement d’une offre de services mutualisée. Il s’agit de se positionner à plusieurs sur des marchés publics culturels, mais pas seulement. Par exemple, il y a deux ans, nous avons remporté un marché de 40 000 euros pour la région Bourgogne-Franche-Comté, qui souhaitait organiser la journée de lancement des fonds structurels européens. »

Une démarche inspirée du réseau ARTfactories

« Il y a 20 ans, lorsque j’ai créé Zutique, se souvient Frédéric Ménard, un incubateur m’a permis d’acquérir les compétences nécessaires pour la mise en réseau, en complément d’un master en développement culturel et direction de projet à l’université Lyon 2. J’ai ensuite voulu créer la Coursive, car il manquait des outils d’accompagnement en entreprenariat culturel. »

Les réseaux comme ARTfactories/Autre(s)pARTs, ou encore les initiatives telles que Mains d’Œuvres à Saint-Ouen ou la Friche La Belle de Mai à Marseille l’ont inspiré dans sa démarche. En effet ces différents projets cherchent à investir les nouveaux territoires de l’art, lequel « ne doit pas exister seulement dans les temples de la culture », pointe-t-il. Les friches industrielles, militaires, et tous les espaces urbains qui ne sont pas préétablis pour la création artistique deviennent des espaces potentiels de réhabilitation.

Suffit-il de mutualiser pour être social et solidaire ?

Si l’étiquette « économie sociale et solidaire » peut sous-tendre une forme de capitalisme déguisé, s’intronisant dans la culture et conduisant à substituer par exemple les termes d’« opérateur culturel » et d’« offre culturelle », à ceux d’« acteurs culturels » ou de « vie culturelle », la dimension coopérative de ce type de structure favorise avant tout la cohésion sociale et la dynamique culturelle.

Si les PTCE* ont été intégrés à la loi de Benoît Hamon sur l’économie sociale et solidaire en 2014, l’association Zutique, qui touche 16 à 25 000 personnes à l’année et 4 à 5 000 personnes dans le seul quartier des Grésilles, portait bien avant cet engagement culturel et social. « Il est naturel d’aller vers les personnes. On parle de publics empêchés et on s’est dit : est-ce que ce ne sont pas tout simplement les opérateurs culturels qui s’empêchent d’aller vers certains publics ? »

La Coursive Boutaric appartient de fait au monde de l’ESS, mais pour Frédéric Ménard, la forme juridique de la coopérative n’est pas la condition exclusive et nécessaire d’un engagement éthique. Rémi Seguin, secrétaire au sein du bureau de la Coursive et PDG d’Audit Gestion Conseil (gérant une cinquantaine de salariés), témoigne par exemple d’un réel engagement : « Il s’investit beaucoup et nous aide bénévolement dans la mise en place de projets, pour faire le lien avec les dirigeants de la zone Cap Nord ».

Les PTCE* jouent donc un rôle d’exemplarité sur le plan éthique, sans pour autant que les valeurs « social » et « solidaire » ne soient cantonnées à la mutualisation entre acteurs.

Morgane MACÉ

Correspondante Bourgogne-Franche-Comté

* Un pôle territorial de coopération économique (PTCE) est un regroupement, sur un territoire donné, d’initiatives, d’entreprises et de réseaux de l’économie sociale et solidaire associé à des PME socialement responsables, des collectivités locales, des centres de recherche et organismes de formation, qui met en œuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable.

 



 

 

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