Entretien avec Édouard Waintrop : la Quinzaine des réalisateurs fête ses 50 ans

Entretien avec Édouard Waintrop : la Quinzaine des réalisateurs fête ses 50 ans
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Créée en 1968, La Quinzaine des Réalisateurs fête cette année sa 50e édition, du 9 au 19 mai, dans le cadre du 71e festival de Cannes. Fabien Lemercier a rencontré Édouard Waintrop, son délégué général, dont ce sera la dernière édition à son poste après sept années d’exercice.

Est-ce que le fait que ce soit votre dernière édition en tant que délégué général a changé votre approche de la sélection ?

Je n’ai pas l’impression. J’ai essayé de me faire beaucoup plus plaisir, mais la sélection est longue, il y les films qu’on garde, ceux qu’on n’a pas, les bonnes et les mauvaises surprises. Il n’y a pas trente-six manières de faire la sélection de la Quinzaine. Il ne faut pas avoir peur de froisser les susceptibilités, cela coûte parfois des énervements, mais il y a une nécessité d’être le plus honnête possible. Certains films ont été « bookés » très vite car on savait qu’ils passeraient sous la ligne de radar de l’Officielle. D’autres, nous les avons attendus et nous en avons eu certains et d’autres non. C’est toujours le même processus.

La diversité des genres qui vous est chère semble une nouvelle fois au rendez-vous.

Il y a de tout ! Un film d’animation poétique de Mamoru Hosoda, un film d’action thriller vengeance complètement vitaminé de Panos Cosmatos, deux comédies françaises de styles totalement différents, un film d’aventure et de guerre conradien de Guillaume Nicloux, un documentaire qui a trois types de supports (du réalisme à l’animation, en passant par le détournement d’images de drones), un OVNI de Gaspar Noé qui colle les pieds au plafond, etc. C’est très divers, mais en général les films sont assez pessimistes, y compris ceux où on rit beaucoup. Et il y a aussi une saga sur les narcos en ouverture avec Les Oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego, un film grandiose, à la fois épique et tragique, la quasi destruction d’une famille avec une ascension et un déclin, un peu dans la filiation du Parrain.

Il y a seulement deux premiers longs sur vingt films. Pourquoi ?

Nous avons eu moins de choix que d’habitude, et nous en avons retenu deux, très différents. L’un, Joueurs de Marie Monge, avec Tahar Rahim et Stacy Martin, est une proposition à la limite du polar. L’autre, Carmen y Lola d’Arantxa Echevarria, s’inscrit dans le néo-naturalisme avec une histoire d’amour très forte entre deux femmes dans la communauté gitane et avec des comédiens non-professionnels.

Le cinéma italien est présent avec deux titres.

La vitalité du cinéma italien est toujours réelle, même si La Route des Samouni de Stefano Savona se passe à Gaza. Il y a beaucoup de très bons documentaristes italiens en ce moment comme Minervini, Rosi et Savona justement. L’autre film, Troppa Grazia de Gianni Zanasi, avec Alba Rohrwacher, est plus italien. Et nous avons eu la chance de voir d’autres films italiens qui vont dans d’autres sections et il y en a des bons…


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Outre Carmen y Lola, l’Espagne est également représentée par Petra.

C’est à mon avis un degré supplémentaire dans la carrière de Jaime Rosales qui a été souvent ballotté entre la Quinzaine et Un Certain Regard. Je pense que Petra valait la compétition. C’est un portrait d’une bourgeoise catalane très évoluée où le pater familias est un artiste mondialement reconnu et dont on s’aperçoit qu’il est bien pire que certains banquiers qu’on peut trouver dans les films américains. C’est d’un film d’une cruauté magnifique, mis en scène avec maestria avec des acteurs incroyables : Bárbara Lennie, Àlex Brendemühl, Marisa Paredes.

Quid des cinq cinéastes français en vitrine ?

J’ai déjà évoqué rapidement les films de Guillaume Nicloux et de Marie Monge. Il y a également deux comédies : En liberté ! de l’excellent Pierre Salvadori et Le Monde est à toi de Romain Gavras que nous avons vu très tôt et que nous avons pris tout de suite, une sorte de polar à la Jim Thompson dans lequel on rit beaucoup. Quant à Amin de Philippe Faucon, il a un style qui lui permet de coller vraiment à son histoire qui parle d’un immigré sénégalais en France, avec le talent du cinéaste pour faire ressortir les sentiments et les émotions de la vie quotidienne, en particulier l’amour. La simplicité avec laquelle les problèmes sont présentés est très forte.

L’Europe est enfin à l’affiche avec The Load du Serbe Ognjen Glavonic.

C’est l’un des premiers films que nous avons choisis. L’acteur principal a une présence extraordinaire et fait passer la proposition comme une lettre à la poste. C’est une manière de raconter l’horreur sans la montrer. Cela a un effet très fort sur le spectateur qui est aujourd’hui abreuvé d’images de violence. À ce niveau, c’est assez proche, sans doute parce que les deux pays ont connu les pires violences, de la manière dont Ciro Guerra montre les prémisses et les résultats de la violence, mais jamais la violence en elle-même.

Le fait de rendre votre tablier après cette édition a-t-il changé votre attitude dans la lutte avec les autres sélections pour attirer les films ?

Cela m’a donné une distance, mais si on me rappelle quelques propos tenus sur la Quinzaine, cela m’énerve. Dire ou écrire qu’on est le salon des refusés de l’Officielle ne correspond absolument pas à la réalité. Une partie des choix de l’Officielle vient de la Quinzaine. Et les maîtres du cinéma savent très bien nous utiliser les uns contre les autres.

Propos recueillis par Fabien LEMERCIER

Source partenaire : Cineuropa



Photographie de Une – Édouard Waintrop, délégué général de la Quinzaine des réalisateurs
(crédits : Quinzaine des réalisateurs)



 

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