« Les Parisiens » d’Olivier Py : un interminable chuintement sociologique

« Les Parisiens » d’Olivier Py : un interminable chuintement sociologique
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Les Parisiens parlent aux Parisiens… je répète… les Parisiens parlent aux Parisiens. Et plus précisément encore, le petit milieu communautariste parigo-culturo-homo-bobo parle au petit milieu communautariste parigo-culturo-homo-bobo. Vous n’êtes pas concernés ? Tant pis. Ce spectacle n’est probablement pas fait pour vous.

Si Olivier Py est capable de quelques fulgurances impressionnantes (il y en a) durant les quatre heures que dure son spectacle, si même la seconde partie propose d’intéressantes pistes dramaturgiques, l’ensemble tient in fine en une succession de discours superficiels qui auraient mérité une pause théâtrale autre qu’une paire de couilles exhibée.

Une scénographie efficace

Le décor est celui de la ville de Paris, joliment mis en avant par la scénographie signée Pierre-André Weitz : des immeubles haussmanniens se démembrent pour laisser la place à de sobres intérieurs ; un damier au sol rappelle autant les jeux de pouvoir que les colonnes de Daniel Buren dans la cour d’honneur du Palais-Royal à Paris.

La ville de Paris se veut, selon Olivier Py, « un système philosophique », « une réponse à l’absence de Dieu, au désarroi politique, au désenchantement de la jeunesse perdue ». Cette simple description montre à quel point le metteur en scène aime passionnément cette ville qui abrite une engeance spéciale : les Parisiens. S’il semble les regarder de l’extérieur, en Provincial lointain, il s’en fait en réalité le compagnon, non seulement par la connaissance qu’il en a, mais par sa critique qui transpire une forme de sympathie, voire d’envie.

Une première partie interminable

L’histoire est celle d’Aurélien (Emilien Diard-Detœuf), un jeune homme dont la beauté captive tous ceux qui l’entourent. Tandis que cet homme monte un à un les échelons lumineux du succès, il rejoint la nuit le monde interlope. Aurélien a sa part d’ombre : Lucas (Joseph Fourez), amant ou autre lui-même.

Aurélien tient le devant de la scène dans l’interminable première partie, intitulée « UNE ÉTOILE BRILLE DE NUIT ». On ne comprend pas en quoi il peut fasciner les autres, tant ses pas de danse sont d’un ennui et d’une pauvreté terrifiante. L’outrance scénique est déclinée par une nudité gratuite et un langage d’une crudité… parisienne.

Olivier Py a toujours manifesté son attrait pour une mystique du sexe ; il ne propose ici que des corps sans chair, sans épaisseur, sans profondeur. Nous sommes bien loin de l’écœurement que peuvent susciter une Angelica Liddell ou un Vincent Macaigne.

C’est long, très long, interminable : l’outrance est médiocre ; le propos pourrait tenir en quelques minutes ; la succession de discours navigue en eau peu profonde…

Une seconde partie inachevée

La deuxième partie, « L’ÉTOILE NE DIT RIEN », s’ouvre sur un dialogue entre la trans Serena (Laure Calamy) et un dominicain (immense Philippe Girard) : la question en débat est celle de l’absence de Dieu. La scène déconcerte tant elle intervient inopinément. Nous craignons de nouveaux discours déclinant superficiellement les obsessions d’Olivier Py.

Si l’absence de Dieu est bien une obsession du metteur en scène, la seconde partie creuse néanmoins une dramaturgie plus intéressante, du fait de la présence croissante de Lucas au fil des scènes. Il semble à certains moments ouvrir un espace dans le cœur de l’homme, notamment lors de ses échanges avec son père mourant, mort, réel, crépusculaire, fantasmatique.

Toutefois, Olivier Py balaye (trop) rapidement les interrogations nichées dans les cavités malades de l’humanité, pour s’épancher sur l’emploi abusif d’un sexe décharné. La juxtaposition d’images et de questionnements, jusqu’à la claudication de Lucas qui rappelle Jacob au lendemain de son combat avec l’Ange de Dieu, peine à former un tout organique. Certains développements théologiques sont d’une grande finesse, comme la distinction entre « être » et « existence », quand d’autres relèvent d’une mauvaise théologie de la libération.

Absence d’un en dedans du discours

Olivier Py fait de Lucas son mystique, son assoiffé de l’absolu. Nous voudrions revivre Dostoïevski ; nous ne voyons qu’un déploiement sociologique teinté de spirituel. Serena n’est pas Sonia, ni Lucas Aliocha.

La critique que fait Olivier Py est d’une complaisance démesurément parisienne. C’est d’autant plus dommage que la distribution impressionne par son exceptionnelle qualité : Mireille Herbstmeyer éblouit dans ses rôles tragi-comiques de Jacqueline et Catherine, tandis que Jean Alibert passe avec dextérité du ridicule ministre de la culture au boursouflé Milo Venstein. Quant à Philippe Girard, égal à lui-même, il assume pas moins de cinq rôles, de l’obscur père de Lucas à la dominatrice nocturne Ulrika, en passant le puissant vieillard Duverger et l’humble père dominicain.

Aurélien et Lucas, interprétés par deux jeunes acteurs prometteurs, forment un Janus caricatural du fait de l’absence de profondeur, d’un en dedans du discours. La sainteté dont parle Lucas est un agrégat de lieux communs sans consistance autre que la débauche ; l’aspiration hédoniste d’Aurélien est sans lumière, d’une platitude horizontale.

C’est que le discours n’a pas de creux, pas de faille, malgré celles, apparentes, des personnages, malgré même les abandons successifs qui frappent Aurélien. Il n’est question en surface que de brisures ; l’insignifiance les étouffe dans la plaie. Il ne sort in fine qu’un chuintement là où nous attendions un cri formidable, aux dimensions d’un combat spirituel.

Pierre GELIN-MONASTIER



DISTRIBUTION

Texte : Olivier Py

Mise en scène : Olivier Py

Avec :
– Jean Alibert : Francis Ferrier, le ministre de la culture et Milo Venstein
– Moustafa Benaïbout : Touraine, Gilda, Monsieur Martin
– Laure Calamy : Serena, Mireille Verdier
– Céline Chéenne : Iris, l’infirmière
– Emilien Diard-Detoeuf : Aurélien
– Guilhem Fabre : Alistair
– Joseph Fourez : Lucas, Eric
– Philippe Girard : Laurent Duverger, le père, frère Dominique, Ulrika, Monsieur H
– Mireille Herbstmeyer : Jacqueline, Catherine
– François Michonneau : Sarazac, Kamel

Les musiques en direct sont interprétées au piano par Guilhem Fabre et à l’accordéon par François Michonneau.

Scénographie, costumes, maquillage : Pierre-André Weitz

Lumière : Bertrand Killy

Assistanat aux costumes : Nathalie Bègue

Crédits photographiques : Christophe Raynaud de Lage



DOSSIER TECHNIQUE

Informations pratiques

  • Public : à partir de 16 ans
  • Durée : 4h30 (entracte compris)


OÙ VOIR LE SPECTACLE ?

Toutes les dates de la tournée

Spectacle créé le 8 juillet 2017 au festival d’Avignon.

  • 2 et 3 septembre 2017 : Théâtre de Liège (Belgique)
  • 26 et 27 mai 2018 : Théâtre du Gymnase (Marseille)
  • du 1er au 3 juin 2018 : Théâtre de la Ville, Espace Pierre Cardin (Paris)



 

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