12 avril 1867 : comment une grande-duchesse d’opérette fait tourner les têtes couronnées
Instant classique – 12 avril 1867… 151 années jour pour jour. Jacques Offenbach avait mis les bouchées doubles pour attirer à ses spectacles les innombrables visiteurs de l’Exposition universelle de Paris, en 1867 – celle durant laquelle Giuseppe Verdi créa Don Carlos, juste un mois et un jour avant cette Grande duchesse de Gerolstein.
À l’affiche du Palais-Royal figurait La Vie parisienne depuis quelques mois et à celle de son théâtre des Variétés, Barbe-Bleue et cette autre nouveauté déjantée. Jacques Offenbach avait donc laissé ses librettistes favoris – Henri Meilhac et Ludovic Halévy – lui concocter un nouveau livret bientôt intitulé La Grande-duchesse.
Premier détail cocasse, c’est la censure impériale qui ajouta « de Gérolstein », pour ne pas avoir l’air de rire d’un titre nobiliaire. Ils auraient dû chausser leurs lunettes en plus de leurs ciseaux, car ils n’ont pas eu l’air de remarquer toutes les caricatures du pouvoir en place et des militaristes qui donnaient alors de la voix, sans compter les habituels pastiches du grand opéra, Giacomo Meyerbeer en tête.
De fait, la première fut un triomphe mémorable, à l’exception du dernier acte, que Jacques Offenbach eut tôt fait de corriger pour remédier à la déception. Le succès se confirma ensuite et il ne fut (presque) pas une tête couronnée européenne qui ne vienne entendre l’œuvre, ou du moins entrevoir la belle Hortense Schneider, créatrice du rôle, de Napoléon III lui-même jusqu’au tsar Alexandre II, en passant par le prince de Galles, le futur Edouard VII, les rois de Suède et du Portugal ou encore l’austère Otto von Bismarck. Seul l’empereur François-Joseph, lui aussi de passage à l’Exposition universelle, ne vint pas aux Variétés.
Prétexte à tous les délires, ce génial opéra-bouffe ne pouvait pas échapper à la joyeuse bande qui signa les productions mémorables d’Orphée aux Enfers et de La Belle Hélène. Ainsi, le duo Marc Minkowski / Laurent Pelly, et quelques-uns de leurs complices, Dame Felicity Lott en tête, ont laissé à la postérité un spectacle mémorable dont l’extrait présenté est l’un des témoignages savoureux, pastichant les opéras « sérieux » dans le trio des conspirateurs…
De quoi commencer la journée de bonne humeur !
À chaque jour son instant classique !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »
Photographie de Une – La Courtisane amoureuse – École de Jean-Baptiste Pater (vers 1730-1740)