ARTCENA : la mémoire au service de la création contemporaine

ARTCENA : la mémoire au service de la création contemporaine
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Le 27 février dernier, ARTCENA a annoncé le lancement de Contxto, nouveau réseau international pour la diffusion de textes dramatiques francophones. Cette initiative est le fruit d’une entente entre le ministère de la culture, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, de l’Institut français, de la SACD et – évidemment – d’ARTCENA. 

Rencontre avec Gwénola David, directrice du Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre.

Lors de la création d’ARTCENA à la Maison Jean-Vilar, Laurent Dréano en parlait comme d’une arme. Quelles sont les intuitions qui ont présidé sa création ?

ARTCENA est né de la fusion entre le Centre national du théâtre et HorsLesMurs. L’idée, en gestation depuis de nombreuses années, était de redonner une force à divers lieux de ressources, en les regroupant dans un même lieu. En parallèle, le constat a été fait que ces institutions nées dans les années 90 avaient besoin de se repositionner par rapport aux enjeux d’aujourd’hui. Il y a eu plusieurs évolutions importantes ces dernières années : les technologies d’information, le numérique, l’accès à l’archive numérique, l’évolution des pratiques artistiques… Il était par ailleurs important de renforcer certains fonctions-supports, notamment le service aux professionnels par rapport aux compagnies. Nous sommes dans une économie assez fragile, notamment pour tous ceux qui veulent se lancer dans l’aventure ; le fait de pouvoir trouver des conseils pertinents au moment de démarrer est déterminant pour la réussite des projets. Dernière évolution à prendre en compte, plus sociétale : l’importance accordée à l’éducation artistique et culturelle, qui mêle pratique et connaissance des œuvres – et qui concerne donc directement les centres de ressources. ARTCENA est le fruit de tous ces constats et de différents points de vue : professionnels (personnalités, associations, etc.), DGCA, acteurs des différentes institutions existantes…

Quelles sont les missions essentielles d’ARTCENA ?

Trois grandes missions ont ainsi été définies : le partage des connaissances, notamment grâce au numérique ; le service aux professionnels, par le conseil juridique, des formations, des ateliers ; le soutien au développement des secteurs, en droite ligne de l’héritage des deux structures. Au sein de cette troisième mission, il faut mentionner le développement à l’international : le réseau Circostrada, fondé par HorsLesMurs en 2003, compte aujourd’hui cent membres dans une trentaine de pays.

Gwénola David (crédits : Lionel Gibert)

Gwénola David (crédits : Lionel Gibert)

Comment concevez-vous concrètement l’aide aux artistes ? 

Nous avons une double entrée : l’accessibilité à tous par le numérique et l’accompagnement personnalisé par la présence. Nous avons beaucoup travaillé à la mise en place d’un outil adapté, à travers la plateforme numérique. C’est un chantier extrêmement dense, ne serait-ce que pour rassembler et fusionner l’ensemble des bases de données documentaires. Il a fallu concevoir un nouveau système d’information pouvant accueillir les données des uns et des autres. C’est un système en connexion, avec les Archives du Spectacle aujourd’hui, avec la BNF, le CNAC et d’autres partenaires structurants demain. Notre plateforme numérique sera l’interface de toutes ces données, la mise en réseau de toutes les ressources existantes. Cette phase technique, fastidieuse mais essentielle, est en cours de finalisation. Fin janvier, nous avons commencé à migrer vers le nouveau portail : on voit déjà l’arborescence futur de notre future plateforme.

Vous venez de lancer Contxto : en quoi consiste cette initiative, dont les enjeux sont également internationaux ?

Contxto vise à accompagner davantage la traduction de textes français en langue étrangère et la circulation de ces textes. La dimension internationale n’est pas une dimension à part, mais vient innerver le développement des secteurs. C’est pourquoi elle a toute sa place dans la plateforme.

Vous avez rassemblé toutes les ressources physiques rue de la Folie-Méricourt. Avec la fermeture du site rue Legendre, pouvez-vous poursuivre toutes vos activités ?

Non, évidemment. Nous n’avons plus qu’une salle pour accueillir d’éventuelles réunions. Nous continuons les ateliers et l’accueil de personnes désireuses d’avoir accès au centre de recherches. Nous ne sommes pas les seuls à avoir des problèmes de locaux et espérons vivement que l’État va s’atteler à cette tâche pour que le projet puisse se réaliser pleinement.

N’avez-vous pas peur d’être réduit à un simple musée ?

Nous n’avons pas de vocation muséale ! Au contraire, nous prônons un parti-pris fort : la mémoire est une manière de mettre en perspective la création contemporaine. Ce qui nous semble déterminant, c’est de donner du sens au milieu des flux d’informations, pour que chaque artiste trouve une aide artistique et technique susceptible de porter sa création.

Comment ARTCENA fonctionne-t-il financièrement ?

Le ministère de la culture nous finance presque totalement. Nous avons chaque année deux millions pour mener toutes nos actions et un million pour aider les auteurs. Pour vous donner une idée, le Centre national de la danse a un budget de 11 millions ! Et ne parlons pas du budget de la Philharmonie… Ce n’est donc pas énorme, d’autant qu’une part de notre budget est fléchée sur l’aide aux auteurs. Or cette aide est répartie sur trois années, si bien que nous gardons dans nos réserves les fonds qui sont potentiellement engagés.

Vous mentionnez trois disciplines. Outre le théâtre, vous dissociez le cirque et les arts de rue. En quoi cette distinction est-elle pertinente ?

C’est compliqué. Les arts de la rue, pendant très longtemps, n’ont pas été considérés comme une discipline, du fait qu’ils mêlent la musique, le théâtre, le cirque, etc. Un tiers des représentations de cirque se donne d’ailleurs en extérieur. Mais je pense qu’aujourd’hui, nous pouvons parler d’une discipline « arts de la rue », parce que s’est développée, ces dernières années, une vraie réflexion sur le contexte : nous sommes de plus en plus dans un art contextuel qui interagit avec l’environnement, les spectateurs, des processus in situ. Ce langage contextuel fonde la discipline. Cela marque ainsi les spécificités, sans évidemment empêcher les points communs.

Il arrive fréquemment que des artistes demandent la création d’un centre national d’éducation artistique et culturelle. Trouvez-vous l’idée intéressante ? Quel rôle pourrait alors avoir ARTENA ?

Je me méfie de la multiplication des institutions : nous allons plutôt dans le sens du regroupement que dans celui de l’atomisation. Il y a un besoin de ressources partagées sur l’éducation artistique et culturelle. Or nous avons prévu de développer des ressources pédagogiques sur le site pour mettre en valeur les données dont nous disposons déjà. J’ai notamment lu le rapport de Christine Bolze, qui a travaillé sur le sujet, avec intérêt. Il se trouve que j’ai travaillé avec elle, du temps de la Belle Saison, et que nous avons abordé le sujet. Nous avions conclu à l’époque que, somme toute, ce n’est pas d’un centre national dont nous avons encore besoin, mais plus de mettre en dialogue les professionnels pour qu’ils échangent sur leurs pratiques et développent leur réseau. Il faudrait faire un partage des missions : nous pourrions travailler sur les ressources nationales, tandis qu’une institution telle que Scènes d’enfance, qui est en contact avec les plateformes locales, pourrait assurer la coordination des réseaux.

ARTCENA développe un certain nombre de publications, du guide au programme trimestriel. Quels sont les enjeux ?

Si notre bulletin trimestriel a vocation à être numérique, la maquette a été pensée pour l’impression, selon les besoins de chacun. Nous avons également un certain nombre de guides pratiques téléchargeables, qui sont le pendant écrit des ateliers que nous menons : les bases de la production, les aides et financements pour les projets, des annuaires thématiques…

Dans vos bulletins trimestriels, vous inscrivez un agenda des spectacles. Comme il est impossible de tout mentionner, comment les sélectionnez-vous ?

Il n’est évidemment pas question de faire un catalogue du Off chaque trimestre ! Beaucoup de programmateurs ont aujourd’hui leur boîte mail saturée. Ce que nous proposons, c’est une sélection fondée sur la reconnaissance par les pairs. Nous retenons à terme, sur les trois disciplines, une cinquantaine de spectacles. Cela permet de se faire une idée sur ce qui sort ou va sortir en une heure ou deux.

Outre les dispositifs de soutien déjà établis, avez-vous vocation à aider des initiatives originales qui se présenteraient à vous ?

Nous ne sommes pas un guichet. Nous avons l’aide nationale à la création dramatique, ainsi que des actions qui visent à soutenir les auteurs lauréats ; la communication joue notamment un grand rôle. Notre action est toujours liée à la commission nationale d’aide à la création dramatique.

C’est-à-dire ?

Prenons un exemple : TOTEM(s), monté par la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, vise à favoriser la rencontre d’auteurs et de musiciens pour l’écriture de livrets. Cela concourt très directement au rayonnement de l’écriture contemporaine. Nous apportons d’autant plus notre soutien que des auteurs lauréats de l’aide à la création dramatique sont impliqués. Nous intervenons également dans le cadre de lectures, du festival « Jamais Lu » au Théâtre Ouvert à Paris… C’est toujours dans une logique de partenariat, pas de guichet. C’est important : nous essayons de construire des relations dans le temps, qui font sens, qui construisent sur le long terme.

Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER



Signature de Contxto (de gauche à droite : Agathe Basquin, ministère de l’Europe et des affaires étrangères ; Stephan Kutniak, Institut français ; Bertrand Munin, ministère de la culture ; Linda Corneille, SACD ; Gwénola David et Jean-Pierre Marcos, ARTCENA)

Signature de Contxto – De gauche à droite : Agathe Basquin, ministère de l’Europe et des affaires étrangères ; Stephan Kutniak, Institut français ; Bertrand Munin, ministère de la culture ; Linda Corneille, SACD ; Gwénola David et Jean-Pierre Marcos, ARTCENA (DR)

ARTCENA - espace de travail collectif (crédits : Sébastien Cotte)

ARTCENA – espace de travail collectif (crédits : Sébastien Cotte)

ARTCENA - extérieur (crédits : Sébastien Cotte)

ARTCENA – extérieur (crédits : Sébastien Cotte)



 

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