« Assassination Nation » : le meilleur film #MeToo de l’année.

« Assassination Nation » : le meilleur film #MeToo de l’année.
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La petite ville de Salem est sens dessus dessous depuis qu’un hacker pirate le contenu des téléphones portables de chacun des membres de sa communauté. Toutes les turpitudes privées sont désormais publiques : adultères minables, selfies érotiques, textos haineux… Au milieu du chaos, Suzy et sa bande de copines délurées : Sarah, Bex et Em.

Rien de pire que le résumé et l’affiche de ce film “made in US” qui se présente comme un mille et unième film pour adolescents, vaguement épicé par le charme sexy de ses quatre héroïnes et leur violence trash.

Rien de plus surprenant, de plus décoiffant, de plus enthousiasmant que cette excellente surprise qui, à partir des codes convenus du film de genre, accouche d’un brûlot.

Sam Levinson, inconnu au bataillon quoique fils de son père (Barry, réalisateur de Rain Man), signe un film d’une étonnante audace formelle. Le scénario, loin de se dérouler paresseusement, ne se révèle que progressivement. La musique est épatante. Et la caméra sait se faire aérienne comme dans cette scène, pourtant si convenue, où les jeunes femmes réfugiées dans une maison, sont sur le point d’être agressées par une bande d’assassins masqués, filmée en un plan-séquence d’une bluffante virtuosité.

Au-delà de la forme, il y a le fond. Un fond sacrément transgressif. Qui dit « merde » à la bienséance et à l’hypocrisie de l’Amérique de Trump, phallocratique et ivre d’armes à feu (d’où son titre), d’autant plus prompte à dénoncer les soi-disant maux qui la corrompent qu’elle s’y adonne elle-même en privé. On prendra un plaisir jubilatoire à ce jeu de massacres qui n’épargne rien ni personne : ni les hommes politiques (le maire conservateur pratique le BDSM à ses heures), ni la police (dont le chef obèse et bas du front prend la tête d’une vendetta bien éloignée de l’État de droit) ni horresco referens de la famille (deux parents confits en religion jettent leur fille à la rue quand ils apprennent qu’elle entretenait une liaison avec un homme marié).

Assassination Nation est un film intelligent qui interroge nos relations aux écrans, ce que nous y exposons, le narcissisme de nos selfies, les sociabilités électroniques qu’ils nous permettent de nouer ainsi que les comportements parfois tangents qu’ils nous conduisent à adopter dans le confort d’un soi-disant anonymat.

Enfin Assassination Nation est un brûlot féministe porté par son héroïne Odessa Young et par les trois actrices qui partagent l’affiche avec elle. Il culmine dans une scène finale volontiers décalée, qui désamorce par ses outrances les violences parfois traumatisantes que le film égrène. Assassination Nation est le meilleur film #MeToo de l’année.

Tony PARODI

 



Sam Levinson, Assassination Nation, États-Unis, 2018, 110mn

  • Sortie : 5 décembre 2018
  • Genre : thriller
  • Classification : non renseigné
  • Avec Odessa Young, Hari Nef, Suki Waterhouse, Abra, Colman Domingo, Bill Skarsgard, Joel McHale, Anika Noni Rose, Bella Thorne, Maude Apatow, Cody Christian, Danny Ramirez
  • Image : Marcell Rév
  • Musique : Ian Hultquist
  • Distribution : Apollo films
  • Crédits photographiques : NEON

En savoir plus sur le film avec CCSF : Assassination Nation



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