Avignon 2018 – La grande Jeanne Moreau en reine de la Maison Jean-Vilar

Avignon 2018 – La grande Jeanne Moreau en reine de la Maison Jean-Vilar
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Au printemps 2017, Nathalie Cabrera était nommée à la tête de la Maison Jean-Vilar. Nous l’avions alors interviewée, au cours de son premier festival dans ses nouvelles fonctions (cf. vidéo ci-dessous). Après le temps de la découverte vient celui de l’approfondissement : des liens renforcés avec le festival, un partenariat triennal avec l’INA, une programmation riche et éclectique… Nathalie Cabrera s’engage sur bien des fronts. Elle a décidé de placer une grande dame au cœur de sa programmation : Jeanne Moreau, morte l’an dernier, à la fin du mois de juillet.

Entretien.

Vous avez repris l’an dernier la direction de la Maison Jean-Vilar. Quelle vision souhaitez-vous défendre et mettre en place concrètement ?

Il y a trois dimensions : nous inscrire dans l’histoire de Jean Vilar et du festival que nous portons, ancrer cette histoire dans le présent et nous adresser à un large public. L’enjeu est de transmettre cette histoire, de l’amener dans le présent. C’est pourquoi nous avons renforcé notre partenariat avec le festival d’Avignon. Tel est le sens de notre programmation cette année, avec notamment notre grande exposition autour de Jeanne Moreau ou encore celle qui raconte le festival en 72 affiches. S’adresser à tous les publics est l’ADN de notre maison, étant donné le nom qu’elle porte : Jean Vilar est encore une figure active pour le monde professionnel aujourd’hui.

Pourquoi avez-vous choisi Jeanne Moreau et comment avez-vous conçu votre exposition ?

Exposition Jeanne Moreau à la Maison Jean-VilarJeanne Moreau répond aux trois dimensions citées : elle a été dans la Cour d’honneur avec Jean Vilar, dès la première Semaine d’Art en 1947 ; elle l’était encore, avec Étienne Daho, en 2011. Sa vie traverse l’histoire du festival, et plus largement celle du théâtre. Elle est aussi, par sa carrière au cinéma et sa personnalité, susceptible de toucher, d’intéresser et d’interpeler un public bien au-delà que les seuls spectateurs de théâtre. Beaucoup de Français sont attachés à une telle figure ! Laure Adler, commissaire de l’exposition, la scénographe Nathalie Crinière et le compositeur Christian Sebille ont privilégié une forme immersive, grâce à quelque 150 photographies présentées, des grands formats, des documents d’archives, des vidéos – en partenariat avec l’INA, avec qui nous venons de signer une convention triennale – et un dispositif sonore constitué notamment d’une bande-son, avec la voix de la comédienne qui se raconte elle-même : cette « mise en scène » accompagne le public dans son voyage autour de Jeanne Moreau, de sa loge à la fin de sa carrière théâtrale. Il sera non seulement question d’Avignon, mais aussi de ses rôles dans d’importantes créations signées par Peter Brook, Klaus Michael Grüber, Claude Régy…

L’an dernier, vous avez beaucoup mis à l’honneur les auteurs, par des tables rondes quotidiennes. Cette année, il semble que vous ayez concentré cette activité en seulement trois ou quatre jours. Pourquoi un tel choix ?

C’est une réflexion que nous développons avec le festival, qui nous accompagne davantage sur cette question de la librairie et des auteurs. L’an dernier, il s’agissait d’une initiative de la Chartreuse, qui tenait alors la librairie du festival. Nous nous sommes aperçus que la participation du public variait d’une table ronde à l’autre : certains jours, c’était plein ; d’autres, il n’y avait presque personne. Nous avons donc pensé qu’une forme plus événementielle serait susceptible de rassembler un public plus large : deux rencontres par jour, animées par un jeune journaliste, avec plusieurs auteurs réunis.

Que devient la librairie ?

Il y a deux changements importants : d’une part la Chartreuse a laissé la place à un collectif de libraires – quatre d’Avignon ainsi que le Coupe Papier à Paris ; d’autre part, nous consacrons à la librairie un nouvel espace de la Maison Jean-Vilar. Des travaux importants ont été réalisés au rez-de-chaussée, afin de dégager complètement le hall. Un scénographe nous a permis de concevoir un espace ouvert dans l’esprit de Jean Vilar, avec le rouge et le bleu comme couleurs dominantes, avec des fauteuils inspirés des « flight case » de théâtre… Nous avons 80m2, attenants à ce hall, où sera la librairie.

Avec une exposition consacrée au dessinateur Cabu, avec différentes journées en l’honneur de Mai 68 et du communiste Jack Ralite, ou encore avec le film de Daniel Cling sur la décentralisation théâtrale, vous affirmez clairement un positionnement politique marqué. Quel est l’intérêt pour la Maison Jean-Vilar d’accueillir cette dimension, cette tradition politique ?

Il faut être lucide sur les enjeux qui nous entourent : qu’est-ce que nous voulons ? Comment réinventer les choses ? Le théâtre et l’art sont là pour nourrir notre réflexion sur le monde actuel. Cette préoccupation est très largement partagée par les artistes et le monde culturel. Nous sommes tous frappés par la complexité du monde, la question des migrants… Il y a toute une tradition intellectuelle qui rassemble des penseurs, des artistes, des chercheurs. La programmation s’inscrit dans cette tradition, en fonction de l’actualité : Jack Ralite était un grand ami de Jean Vilar et de la maison qui lui est aujourd’hui dédiée. En partenariat avec le festival, nous avons décidé de lui rendre hommage pendant toute une journée, dans le jardin. Le film de Daniel Cling sur la décentralisation théâtrale est sorti l’an dernier, mais nous devons continuer à le projeter, avec la volonté de l’inscrire dans le présent : il y aura ainsi des moments de rencontre avec des acteurs actuels de cette décentralisation. Il y aura également un hommage, certes un peu plus confidentiel, à Sonia Debeauvais, qui fut une figure incontournable de la Maison Jean-Vilar. Notre programmation allie différentes dimensions ; elle est artistique et politique, exigeante et grand public.

Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER

En téléchargement : programmation complète de la Maison Jean-Vilar (pdf)



 

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