Dépasser les frontières du théâtre : projet et vision artistique de Maëlle Poésy, directrice du théâtre Dijon-Bourgogne

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Pluridisciplinarité, transmission, ouverture des frontières du théâtre, accueil d’auteurs associés et de projets internationaux… Maëlle Poésy, nouvelle directrice du théâtre Dijon-Bourgogne, dévoile sa vision et ses ambitions pour le centre dramatique national de Bourgogne.

Après neuf ans sans changement de direction au Centre dramatique national – théâtre Dijon-Bourgogne (TDB), vient le temps du passage à témoin. Benoît Lambert est nommé directeur de la Comédie de Saint-Étienne, quand la metteuse en scène Maëlle Poésy, qui connaît bien le TDB pour y avoir été artiste associée depuis 2016, en devient la première femme directrice, à trente-sept ans.

Les remaniements du festival Théâtre en Mai et des différents dispositifs d’accompagnement à la création sont prévus, avec notamment l’accueil inédit de trois auteurs et autrices associés à la direction. Focus sur le parcours et les ambitions de Maëlle Poésy pour cette maison au budget total de 3,6 millions d’euros, engagée pour favoriser l’émergence et l’éducation artistique.

Un temps fort de passation

Le lancement de saison s’est déroulé début septembre, un moment symbolique à plus d’un titre, en cette période de retour aux spectacles. L’occasion pour Benoît Lambert de présenter son ultime programmation de saison au sein de cette structure et pour Maëlle Poésy d’annoncer les grandes lignes de son projet artistique, en présence du public et des tutelles, dont la ville de Dijon, la région et la DRAC Bourgogne-Franche-Comté.

La pièce 7 minutes de Stefano Massini, que Maëlle Poésy a mise en scène, est jouée à Paris depuis le 15 septembre à la Comédie-Française. « C’est un peu particulier en ce moment car ma présence est partagée entre Dijon et Paris, reconnaît-elle. Mais après je pourrai me plonger à 200 % dans le théâtre. »

Une plongée qui ne sera pas difficile, puisque la metteuse en scène a déjà l’expérience d’une collaboration avec Benoît Lambert. « Je connais bien le TDB, confirme-t-elle. Toutes ces années m’ont permis de travailler sur des formes très différentes puisque j’ai fait par exemple une création pour des lycées qui a tourné pendant deux ans, j’ai monté Inoxydables, dans le cadre d’I-Nov-Art, qui n’a hélas pas été joué comme on l’aurait souhaité durant le confinement, et j’ai mené un travail de long terme, avec l’implantation de ma compagnie Crossroad en 2011. »

Porter un langage invisible au théâtre

Son père Étienne Guichard, directeur du Théâtre du Sable, et sa mère enseignante de lettres ont transmis aux filles Poésy – car sa sœur n’est autre que l’actrice Clémence Poésy –, ce même amour pour la comédie. Avant d’intégrer l’École supérieure d’arts dramatiques du Théâtre national de Strasbourg, Maëlle Poésy a suivi les formations des chorégraphes Damien Jalet et Hofesh Shechter.

Une pratique de la danse contemporaine qui l’inspire encore aujourd’hui… « Le travail sur la tenue des corps et les énergies sur un plateau permet de prendre en charge tout un langage invisible et inconscient, explique-t-elle. C’est quelque chose que j’aime beaucoup intégrer au cœur des mises en scène. » Également enseignante à l’École régionale d’acteurs de Cannes et Marseille, elle promeut un théâtre pluridisciplinaire : « Je souhaite défendre l’hybridité des formes qui peuvent être parfois proches de la danse et du cinéma, poursuit Maëlle Poésy. Utiliser en tout cas des écritures de plateau faisant appel à différents médiums. »

Ces projets hybrides seront confiés aux artistes associés tels que Tamara Al Saadi, Julie Berès, Yngvild Aspeli et David Geselson. « Il y aura des temps de résidence sur le territoire, avec la participation des habitants, et pour fil rouge : “histoire des lieux et histoire des gens”, détaille la nouvelle directrice du TDB. Ces créations pourront prendre la forme d’un spectacle écrit, d’une performance ou encore d’une session radiophonique. »

Programmation internationale, “Passes murailles” et auteurs associés

Pluridisciplinarité et transmission demeurent ses priorités, dans le prolongement du travail mené par Benoît Lambert sur le soutien à l’émergence, en ouvrant cette fois le festival Théâtre en Mai aux compagnies internationales.

Dans une volonté d’une plus large diffusion, le dispositif “Passes murailles” fera intervenir six acteurs issus d’écoles nationales supérieures d’arts dramatiques, engagés en contrats de professionnalisation, pour travailler pendant un an en création dans les lycées : « On souhaite faire tourner les spectacles dans les lycées, mais aussi dans des lieux non théâtraux, et les ouvrir à une diffusion nationale, précise Maëlle Poésy. C’est moi qui prend en charge la première mise en scène et ce sera Gloire sur la Terre, de Linda McLean, une autrice écossaise. »

Si la metteuse en scène privilégie le mélange des formes, elle n’en délaisse pas pour autant le matériau littéraire. Le TDB accueillera en effet trois auteurs et autrices associés à la direction. Il s’agit de Gustave Akakpo, Julie Ménard et Kevin Keiss : « J’aime beaucoup leurs écritures, s’enthousiasme-t-elle. C’est important de pouvoir leur proposer cet ancrage au sein d’une maison et de mettre leur art au service du territoire. Nous les soutiendrons pendant quatre ans, ce qui va leur permettre d’avoir un cadre et aussi une inscription dans l’économie de la société du spectacle. »

La direction au fabricant

Maëlle Poésy, qui ne néglige pas d’autres enjeux tout aussi centraux comme la volonté d’inscrire le TDB dans un développement autour de l’écologie, en faveur d’une transition forte, se considère à sa juste place en tant qu’artiste.

« Il se trouve que les scènes nationales, historiquement parlant, ne sont pas des lieux qui sont dirigés par des artistes. Pourtant, en dirigeant un CDN, je suis tout à fait à ma place d’artiste et de directrice !, confie-t-elle amusée. Je dirais qu’en tant qu’artiste, ce serait même ma seule place de direction possible. Je trouve assez passionnant, de toute façon, de développer un projet artistique au sein d’une structure. Mais je pense que c’est véritablement l’histoire que nous avons entre la compagnie et ce lieu, ainsi que cet ancrage qu’on a sur ce territoire, qui ont vraiment fondé ma décision. »

Pluridisciplinarité, transmission et ouverture des frontières du théâtre par une diffusion hors-les-murs et nationale des créations, ainsi que l’ouverture du festival Théâtre en Mai aux compagnies internationales, tels sont les axes de la nouvelle directrice du Théâtre Dijon-Bourgogne, avec pour valeur ajoutée, l’accueil d’auteur et d’autrice associés.

Morgane MACÉ

Correspondante Bourgogne-Franche-Comté

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Crédits photographiques : © Jean-Louis Fernandez



 

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