Doubleur, un vrai métier ? Réponse avec Luq Hamett, le chercheur de voix

Doubleur, un vrai métier ? Réponse avec Luq Hamett, le chercheur de voix
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Humoriste, comédien, metteur en scène, directeur d’une société de production de tournées et, depuis 2014, directeur du théâtre Edgar à Paris, Luq Hamett est aussi un doubleur reconnu et un directeur artistique en quête de voix. À 54 ans, en pleine maturité créative, ce passionné infatigable revient sur le métier du doublage, ses exigences et les pièges à éviter, dans un contexte où les versions françaises sont réputées être les meilleures au monde.

Mais qui se cache derrière la voix de Marty McFly (Michael J. Fox) dans Retour vers le futur ou de Mozart dans le film Amadeus, de Milos Forman ? Luq Hamett ! Qui se glisse dans la peau du fringant lapin Roger Rabbit ? Luq Hamett ! C’est encore lui qui prête sa voix à Jason Priestley (Brandon Walsh) dans Beverly Hills et dans Private Eyes, dont la saison 2 sortira à l’automne sur TF1. Adossée à ses trente-quatre ans d’expérience, cette grande voix du doublage aurait pu se laisser tenter par les sirènes de cette activité somme toute assez confortable, mais il ne s’y est pas laissé prendre. Selon lui, pour être heureux dans ce métier, il est plus prudent de le concevoir comme une corde de plus à son arc de comédien.

Chanceux d’avoir su saisir sa chance

À 18 ans, la vocation du jeune Havrais était de monter sur les planches et non d’être doubleur. En 1983, il réussit son audition au Point Virgule avec son troisième one-man-show, Moi je craque, mes parents raquent, qu’il joue pendant trois ans. Remarqué par Jacqueline Joubert, directrice des programmes jeunesse d’Antenne 2, il intègre en 1985 l’équipe de Récréa 2 pour animer l’émission TV aux côtés de Dorothée. « Ça a été le démarrage de tout pour moi !, s’émeut Luq Hamett. Entre-temps, une autre femme lui tend la main, Marthe Mercadier, avec laquelle il joue dans Les voisins du dessus. « Grâce à elle, j’ai appris les bonnes techniques pour jouer la comédie de boulevard », précise-t-il, s’estimant chanceux d’avoir su saisir sa chance.

Il n’était donc pas question de doublage. À cette époque-là, contrairement à aujourd’hui où un accès plus simple conduit à une concurrence accrue, le doublage était un petit cercle fermé et le parrainage était de rigueur. Les élus étaient peu nombreux, mais assurés d’avoir du travail s’ils répondaient aux attentes. Un jour, Francis Lax et Roger Carel flairent son potentiel vocal dans son show. Ils étaient en recherche de voix jeunes pour doubler du dessin animé. « Je n’y connaissais rien, se rappelle Luq Hamett, mais ils m’ont ouvert les portes des plateaux de doublage de Dallas ou de La Croisière s’amuse, afin que j’apprenne en regardant les doubleurs lire la ‘bande rythmo’ qui défilait au bas de l’écran.”

« Le doubleur doit ressentir les situations sans les éléments pour les vivre, et c’est toute la difficulté. »

Mais n’est pas doubleur qui veut. Pour être bon dans ce métier, être comédien est un préalable incontournable et jouer en parallèle est une nécessité. Luq Hamett l’explique aisément : « Le doubleur doit ressentir les situations sans les éléments pour les vivre, et c’est toute la difficulté. Il doit conjuguer le mimétisme et l’empathie et avoir une grande capacité d’imagination ! Celui qui ne fait que du doublage ronronne, c’est-à-dire qu’il est bien synchrone, mais le vécu est absent de sa voix. Enfin, il doit avoir l’oreille musicale pour le guider, telle une canne d’aveugle ». Avec le doublage, le comédien peut aussi camper des rôles impossibles à obtenir face à une caméra, en raison du physique recherché par exemple. Le comédien qui joue et double à la fois nourrit son jeu et le renforce.

Le doublage comme passerelle

Si Luq Hamett estime avoir fait le tour de ce métier, il reconnaît avec plaisir s’être « éclaté » dans le doublage, et en particulier le dessin animé qui permet, contrairement aux films, d’exprimer sa personnalité. « Tout à coup, interpréter un lapin dans Qui veut la peau de Roger Rabbit, cela devient un vrai travail de création ! », s’anime l’artiste, en clin d’œil. Il a cependant toujours veillé à ne pas tomber dans le piège de s’enfermer dans le doublage, pour ne pas se scléroser. En effet, le cachet confortable, constitué d’un forfait pour les droits cédés et du lignage (nombre de lignes lues), incite fortement à choisir cette voie plutôt qu’à persévérer dans le métier de comédien, souvent intermittent et précaire.

« Il est difficile de trouver des enfants doués. Quand ils le sont, ils le sont extrêmement. »

Pour Luq Hamett, le doublage n’est ni une vocation ni une fin en soi, mais une passerelle qui l’a conduit à 37 ans au métier de directeur artistique. C’est en quelque sorte le metteur en scène de la version française, devant se charger aussi bien du casting des voix que de la direction des comédiens. Actuellement, il s’occupe des séries Les Crumpets et Tom-Tom et Nana, ainsi que du nouveau dessin animé Ariol dont la diffusion des 52 épisodes est prévue à partir de septembre 2018 sur Canal+. Pour Les Cahiers d’Esther, dont le doublage vient de s’achever, la voix de l’héroïne est celle d’Elena, neuf ans. « Il est difficile de trouver des enfants doués, souligne Luq Hamett. Quand ils le sont, ils le sont extrêmement. Pour Les Cahiers d’Esther, j’ai trouvé une perle qui tourne déjà depuis son plus jeune âge. »

La France, n°1 du doublage

Luq Hamett se passionne pour ce métier de directeur artistique, qui permet une réelle créativité. Ayant à cœur de transmettre, il ouvre facilement les portes des plateaux à ceux qui sont intéressés. D’ailleurs, en quête constante de nouvelles voix, il fait des repérages dans les théâtres pour amener les comédiens au doublage. Certains essais sont transformés, d’autres pas.

Le doublage est un métier aux compétences complémentaires qu’il faut aiguiser et qui nécessite beaucoup de travail et d’exigence. Une expertise que la France peut se targuer d’avoir, puisqu’elle est réputée numéro un dans le domaine ! Elle le doit à la qualité de ses versions françaises. Selon Luq Hamett, la France bénéficierait d’une technique qu’elle serait seule à utiliser : la bande rythmographique. On la devrait à l’ingénieur français Charles Delacommune qui a breveté ce procédé en 1923 sans jamais l’exporter !

Nathalie GENDREAU

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