« Girl » : le coup de génie de Lukas Dhont

« Girl » : le coup de génie de Lukas Dhont
Publicité

Lara a quinze ans et deux rêves : devenir danseuse de ballet et devenir une femme.

Le genre n’a jamais autant interrogé. Le cinéma, reflet de notre temps, en porte le témoignage qui, depuis le début de l’année, a au moins consacré trois films à des hommes ou des femmes en plein processus de réassignation sexuelle : Finding Phong sorti en février, Coby en mars, Il ou elle en août.

Lukas Dhont, Girl film, avec Victor Polster afficheLukas Dhont, un jeune réalisateur belge de vingt-sept ans à peine, aurait pu consacrer un documentaire similaire à Nora, une adolescente dans un corps de garçon dont la lecture de l’histoire dans un journal l’avait touché. Mais, face au refus de Nora d’être filmée, il a tiré son récit vers la fiction. Et c’est tant mieux.

Car la fiction lui permet d’interroger au plus près ce qui est au centre de la vie de Lara : un double combat qui n’en fait qu’un, que l’adolescente livre contre son propre corps. C’est un double défi qu’elle relève avec une détermination que sa gueule d’ange ne laisse pas deviner. C’est une double transition qu’elle vit avec la même impatience au risque de détruire son corps. Elle veut devenir danseuse et martyrise ses pieds et ses orteils qui ne sont pas préparés à la dure discipline des pointes. Elle veut devenir une femme, cacher ce pénis embarrassant, accélérer le traitement hormonal qui tarde à produire des résultats.

On imagine aisément les railleries qu’une telle transition pourrait susciter, les plaisanteries scabreuses que la jeune ballerine aurait pu s’attirer, dans les vestiaires ou sur les planches, les situations embarrassantes voire comiques dans lesquelles Lara aurait pu se retrouver. Lukas Dhont refuse cette facilité scénaristique – au point de laisser croire que la société accepte sans sourciller les Lara. À l’exception d’une scène embarrassante où Lara est en bute au chantage des autres ballerines, la jeune adolescente évolue dans un milieu étonnamment et unanimement bienveillant : sa famille, ses docteurs, ses enseignants se coalisent pour son bien. Son père, en particulier, qui a accepté de déménager pour permettre à Lara d’intégrer une meilleur école de danse, est un bloc d’amour prêt à tout sacrifier pour le bonheur de son fils aîné.

En recrutant Victor Polster pour jouer le rôle principal, Lukas Dhont a eu un incroyable coup de chance et/ou de génie. L’adolescent, qui a emporté le prix d’interprétation d’Un certain regard à Cannes, est parfait dans le rôle. Est-il trop joli ? Peut-être. Le film aurait-il gagné à filmer un garçon plus masculin, plus grand, plus musclé, en un mot plus déplacé dans le rôle d’une ballerine en devenir ? Peut-être. Mais toujours est-il qu’on n’est prêt d’oublier Lara, sa chevelure d’ondine, ses yeux bleus, sa bouche délicate, son étonnante maturité et sa froide détermination.

Tony PARODI

 



Lukas Dhont, Girl, Belgique, 2018, 105mn

  • Sortie : 10 octobre 2018
  • Genre : drame
  • Classification : tous publics avec avertissement
  • Avec : Victor Polster, Arieh Worthalter, Valentin Dhaenens, Katelijne Damen, Oliver Bodart, Tijmen Govaerts
  • Scénario : Angelo Tijssens, Lukas Dhont
  • Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui
  • Image : Frank van den Eeden
  • Musique : Valentin Hadjadj
  • Montage : Alain Dessauvage
  • Distribution : Diaphana distribution

En savoir plus sur le film avec CCSF : Girl

Lukas Dhont, Girl film, avec Victor Polster



Découvrir toutes nos critiques de films



 

Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *