“Globe Story” : tendre hommage au cinéma muet

“Globe Story” : tendre hommage au cinéma muet
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La compagnie espagnole El Perro Azul nous enchante avec son spectacle Globe Story, hommage réussi au cinéma muet en ce qu’il a d’universel. À partir d’une intrigue classique et de trouvailles scéniques originales, mimes et musique dialoguent avec finesse, pour nous offrir un grand moment de tendresse, capable de toucher tous les âges.

La Rioja est une petite province au nord de l’Espagne, coincée entre des régions à l’identité affirmée : la Navarre, le Pays basque, l’Aragon et Castille-et-León. Les pèlerins de Compostelle la connaissent bien, pour parcourir ses nombreux et beaux vallons, pour déguster ses vins à fort caractère, pour traverser ses villes et villages dotés de monuments impressionnants, voire somptueux (Logroño, Nájera, Santo Domingo de la Calzada…).

Intrigue classique

C’est de ce territoire enclavé que nous vient la compagnie El Perro Azul (« le chien bleu »), dont le spectacle Globe Story est offert pour la première fois aux spectateurs français à Avignon. Et la barrière de la langue, songerez-vous peut-être ? Si le titre est en anglais, si la compagnie vient effectivement d’Espagne, le spectacle ne connaît quant à lui aucune frontière : Globe Story est une histoire-monde, universelle. Véritable hommage au cinéma muet, tout en musique (magnifiquement interprété sur scène par la pianiste Elena Aranoa) et en mimes, Globe Story nous entraîne dans une aventure à la fois simple et ingénieuse.

L’intrigue de la pièce est des plus classiques, à la limite même du stéréotype, ainsi que les cartons montrés par les comédiens – selon la technique propre au cinéma d’antan – le résument : « coup de foudre », « lune de miel en croisière », « la plage », « le premier enfant », « le bonheur », « l’amant », « l’orage », « la maladie », « l’hôpital » et « la mort » sont les dix chapitres quelque peu convenus qui résument la vie partagée par Greta (Gemma Viguera) et Max (Fernando Moreno) et qui ponctuent l’ensemble – avant le mot « fin » et un ultime carton dont nous ne dirons volontairement rien.

Hommage au cinéma muet, hommage aux artistes muets, en témoigne la démarche de Max, qui n’est pas sans rappeler parfois celle de Charlot, d’autant que la musique joue comme en écho l’air de « Titine » (lors de la scène avec l’amant), rendu notamment célèbre par la magnifique interprétation que Charlie Chaplin en donna dans Les Temps modernes, en témoigne aussi le moment de « l’orage » (au sein du couple) qui semble renvoyer – peut-être inconsciemment – à l’une des plus grandes scènes du cinéma mondial, dans Cadet d’eau douce, qui voit Buster Keaton lutter pour son amour au cœur d’un terrible ouragan (réel celui-là). Ces références aux origines du septième art n’empêchent aucunement les artistes espagnols d’évoquer avec humour des œuvres plus récentes, notamment Titanic de James Cameron et son romantique passage qui montre les deux héros à la proue du gigantesque bateau, ou encore Love Story d’Arthur Hiller à qui la présente pièce reprend une partie du titre et le célèbre thème musical composé par Francis Lai (Oscar de la meilleure musique originale en 1971).

Surprise et émerveillement dans l’attendu

Convenu ? Oui, c’est certain, et on pourra le regretter. Mais ce choix s’explique du fait d’un enjeu tout autre : créer, rendre hommage, déployer une grande inventivité dans un cadre circonscrit. Les comédiens nous surprennent dans l’attendu, nous étonnent dans l’évident, nous émerveillent dans le connu.

Avec deux échelles et une multitude de ballons (autre signification possible du terme « globe » donné au titre), les trois artistes nous ouvrent un monde de possibles. Les teintes sépia, ocres, beiges et blanches qui dominent le décor, le piano et les costumes appellent les souvenirs. Nous sommes dans la petite histoire, celle qui triomphe et sous-tend toujours la grande. L’impression qui domine est celle d’une profonde tendresse, qui tient surtout au jeu tout en finesse de Gemma Viguera et de Fernando Moreno : l’absence de paroles conduit ici à la fécondité du geste, du plus simple au plus burlesque.

Tendresse et humour

Cette tendresse est renforcée par l’humour imprimé aux différentes situations, non seulement par le biais des mimiques, mais également par l’usage excellent des objets : les deux échelles deviennent tour à tour bateau, lit d’accouchement, toboggan, civière, machine à scanner, support à balançoire…  Quant aux ballons, nous leur découvrons des possibilités scéniques insoupçonnées, grâce à leur géniale manipulation par les comédiens : bague, spermatozoïde, bébé, sein, lumières d’ambulance, masque médical, perfusion, piqûre, viscères, électrochocs, cœur… Rien ne semble impossible à l’imagination !

Tendresse enfin dans ce dialogue parfait entre musique et jeu, la pianiste Elena Aranoa entrant régulièrement en connivence – en empathie – avec ces humanités qui se débattent sur scène, esquissant un sourire, voire poussant ses compères à poursuivre.

Certains aspects auraient pu être davantage creusés : la notion de pardon et de réconciliation entre l’adultère et la maladie, un jeu de lumières globalement trop sobre pour un hommage au cinéma muet… Il reste que ce spectacle est un véritable moment poétique, capable de toucher et de faire rêver le cœur des enfants (dès quatre ou cinq ans) comme des anciens, unis alors en un doux imaginaire commun.

Pierre GELIN-MONASTIER

 



SPECTACLE : Globe Story

Création : 2018
Durée : 55mn
Public : à partir de cinq ans

Actrice : Gemma Viguera
Acteur : Fernando Moreno
Musique et pianiste : Elena Aranoa
Conception des costumes : Martín Nalda
Scénographie : Martín Nalda et Santiago Ceña
Réalisation des costumes : Amparo Cámara
Concept éclairage : Carlos Cremades
Technique d’éclairage : Carlos Cremades
Infographie : Borja Ramos
Photographie : Raquel Fernández
Matériel audiovisuel : Cráneo Pro
Production : El Perro Azul Teatro
Direction artistique : Jorge Padín

Crédits photographiques : Raquel Fernandez et Dani del Castillo



OÙ VOIR LE SPECTACLE ?

Spectacle vu le 20 juillet 2019 au théâtre de l’Alizé (Avignon).

– Du 5 au 28 juillet 2019 à 10h15 : théâtre de l’Alizé, Avignon Off
– 8 août 2019 : festival Música y Teatro à Zarautz (Espagne)
– 17 août 2019 : Fiestas Valgañón, La Rioja (Espagne)
– 21 août 2019 : festival de Calle à Albarracín (Espagne)
– 22 août 2019 : festival Ciclo la Huella à Teruel (Espagne)
– 5 octobre 2019 : festival Firobi (Espagne)

Tournée : toutes les dates.
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