“Inna de Yard” de Peter Webber : “Buena Vita Social Club” sauce jamaïcaine

“Inna de Yard” de Peter Webber : “Buena Vita Social Club” sauce jamaïcaine
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Inna de Yard, c’est l’histoire d’une aventure humaine et musicale qui fait toucher du regard et de l’ouïe l’âme de la Jamaïque. Réalisé par Peter Webber, le documentaire sort aujourd’hui dans les salles françaises, distribué par Le Pacte.

Peter Webber

Peter Webber connaît un succès mondial en 2003 grâce à La jeune fille à la perle, avec Scarlett Johansson et Colin Firth, avant de réaliser de nombreux films dont l’antépisode Hannibal lecter : les origines du mal, avec Gaspard Ulliel, Gong Li et Rhys Ifans.

Il est également un prolifique auteur de documentaires, réalisant plusieurs programmes pour la BBC à propos de la musique classique sur des enfants prodiges, des maestros ou encore des grands compositeurs comme Richard Wagner. Il a aussi réalisé plusieurs documentaires sur la science populaire avec des sujets comme la vie sous-marine, des crash-test avec mannequins, la tribu Macuna dans l’Amazonie colombienne (The sand and the rain), la vie sauvage (Un nouveau jour sur terre)… Il est l’auteur de For the love of Books, qui a remporté le grand prix au festival du film de Sarajevo, et qui a également reçu le prix Grierson du meilleur documentaire historique en 2012.

Synopsis d’Inna de Yard – Sur les hauteurs verdoyantes de Kingston, des légendes du reggae se retrouvent pour enregistrer un disque. Plus de trente ans après leur âge d’or, ils s’apprêtent à repartir en tournée à travers le monde. Inna de Yard raconte l’aventure humaine de ces chanteurs qui, en plus d’incarner un genre musical mythique et universel, font vibrer l’âme de la Jamaïque.

Récit de Peter Webber : d’une passion de jeunesse à la réalisation d’un documentaire

« Ayant grandi dans l’ouest de Londres durant les années 1970, j’ai baigné dans le reggae qui était partout. Il y avait là une communauté jamaïcaine importante et bien établie, et le carnaval de Notting Hill – la plus grande manifestation de rue de la capitale – vibrait au son de cette musique. Par ailleurs, les jeunes groupes punk-rock, qui étaient les plus branchés du moment, étaient fascinés par son imagerie et sa musique. Si on était fan des Clash, ce qui était mon cas, il était impossible de passer à côté du reggae. L’inlassable promotion qu’ils faisaient de ce nouveau son vital venu de la Jamaïque, leur tristement célèbre voyage sur l’île en 1978 qui leur inspira la chanson Safe European Home, leurs allusions permanentes à des artistes de reggae – de Prince Far I à Delroy Wilson – ont eu sur moi un impact considérable, au même titre que leurs reprises – de Police and Thieves à Armagideon Time. La chanson Punky Reggae Party, de Bob Marley, rendait hommage à cette union improbable entre l’assaut du noise-rock sur le punk- rock, son précurseur, et les sons mélodieux du reggae.

Ma discothèque s’est rapidement remplie d’albums tels que Heart of the Congos, des Congos, ou Electric Dread, de Winston McAnuff. J’ai recherché les quelques films emblématiques ayant capturé l’émergence du monde du reggae, comme Tout, tout de suite et Rockers. Le monde qu’ils dépeignaient semblait exotique, dangereux et plein de vitalité. Comme dans toute révolution musicale, la vigueur et la force du genre ont fini par s’émousser et d’autres formes de musique, comme le dancehall, l’ont supplanté. Mais il ne s’est jamais éteint. Une nouvelle génération de fans a découvert les airs classiques et les interprètes des années 1970, et a entretenu la flamme du reggae.

Vieil admirateur de cette musique, c’est avec enthousiasme que je me suis récemment rendu en Jamaïque pour rencontrer certaines de mes idoles de l’époque, en pleine forme et toujours en activité. L’excitation d’approcher ces musiciens, d’écouter leur récit des tout débuts, quand la scène en était à ses balbutiements, de la façon dont ils ont survécu aux années de vaches maigres qui ont suivi, puis de leur come-back, au cours de ces dernières années, a été très inspirante.

Il était tout aussi passionnant de faire la connaissance d’artistes reggae de la nouvelle génération, des jeunes dont l’impertinence n’enlève rien au respect qu’ils ont pour leurs aînés et qui sont fiers d’apporter une touche de modernité au genre. Il m’a paru évident qu’il y avait là matière à faire un documentaire fascinant, qui suivrait les plus charismatiques de ces personnages, retraçant les hauts et les bas de leur vie. Issus des bidonvilles ou de régions rurales, ceux-ci ont fui la misère pour aller faire le tour du monde.

Les anciens, que j’écoute et admire depuis des années, ont survécu à des maisons de disques véreuses, aux gangs de rue, à de violentes luttes politiques et, à l’aube de leur septième décennie, ils ont des histoires à nous raconter – qui font tour à tour froid dans le dos et chaud au cœur. Ils n’en ont plus pour très longtemps à vivre et ce fut un privilège de les rencontrer avant qu’ils ne rejoignent le paradis promis par leur religion, le rastafarisme. Quant aux jeunes, il était difficile de ne pas se laisser emporter par l’exubérance débridée de leur musique, le pouvoir de leur voix, leur conscience politique et les histoires qu’ils ont eux aussi à raconter.

En résulte un film bâti autour de ces personnalités étonnantes, le portrait d’une île et d’un peuple singuliers. Buena Vista Social Club, un des films musicaux les plus réussis et les plus populaires de ces dernières années, s’intéressait à la musique de Cuba, non loin de la Jamaïque. La musique est ici aussi forte et les personnages de la même trempe que ceux du film de Wim Wenders.

Ce projet très personnel m’a rempli d’enthousiasme et de passion. Il m’a ramené à l’adolescent que j’étais autrefois – un gamin qui économisait son argent de poche pour aller dénicher les derniers sons jamaïcains sur All Saints Road. »



Crédits photographiques : Nicolas Baghir Maslowski



 

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