Interview. Joan Baez : « Paris est l’endroit où j’ai toujours voulu tendre à la perfection »

Interview. Joan Baez : « Paris est l’endroit où j’ai toujours voulu tendre à la perfection »
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L’activisme, Bob Dylan, sa voix, son nouvel album, sa tournée d’adieux : Joan Baez s’est confiée à l’AFP lors d’un récent passage à Paris, n’éludant rien de son passé, ni de son présent « au milieu des chênes, où eux et moi ne demandons pas beaucoup à la vie ». Elle sera dix soirs à l’affiche de l’Olympia (4-17 juin)…

[avec AFP]

Whistle down the Wind, qui sort vendredi, est votre premier disque en dix ans…

Il a été rapide à faire. Avec mon producteur Steve Earle, nous étions sur la même longueur d’onde, les musiciens étaient efficaces. Le plus difficile était de choisir les chansons, elles devaient refléter ce que je suis aujourd’hui à 77 ans.

Et quelle femme êtes-vous aujourd’hui ?

Différente des autres du même âge. Je peins, j’apprends à ne rien faire, à me taire. Cela demande de la discipline, j’ai été active pendant longtemps. J’aime la nature, je vis depuis 47 ans dans la même maison californienne au milieu des chênes. Les arbres et moi ne demandons pas beaucoup à la vie.

« Whistle down the Wind » est une chanson de Tom Waits. Pourquoi lui ?

Son imaginaire, son humour me touchent, ses chansons sont magnifiques. On a bâti l’album autour de ce titre [qui dit que la tragédie de notre vie est sa futilité, ndlr].

La dernière feuille sur l’arbre (« Last leaf on the tree », également de Tom Waits), est-ce vous ?

Oui. On est quatre à avoir décidé d’arrêter : Paul Simon, Neil Diamond, Elton John et moi ! On a incarné les sixties, les seventies. Jamais on ne pourra reproduire cette explosion de talents, cette frénésie politique. C’était facile de trouver les thèmes de nos luttes, le Vietnam, les droits civiques… Maintenant il y a cinquante Vietnam et il y a Trump, ce fou qui crée une situation inimaginable.

Votre incarnez les protest songs des années 60. Appartenez-vous aux livres d’histoire ou encore au présent ?

Aux deux. Je ne veux pas renier mon passé, il me convient parfaitement. Mais il faut regarder vers l’avenir, sinon vous n’êtes qu’une statue.

Que pensez-vous du mouvement « Me too » ?

Les femmes combattent depuis les années 50 pour leurs droits. Et maintenant elles réalisent combien elles ont été maltraitées. « Me too », c’est ce moment où les femmes libèrent enfin leur parole. C’est énorme.

Qu’est ce qui vous inquiète le plus aujourd’hui ?

Le réchauffement climatique. Dans dix ans, si nous n’avons pas traité le problème, ma petite-fille n’aura pas une vie normale. C’est terrifiant.

Bob Dylan a dit de vous : « Sa voix était comme celle des sirènes des îles grecques. Elle pouvait vous ensorceler, elle était enchanteresse ».

Il devait être défoncé ! Mais, mon Dieu… c’est beau ! J’apprécie d’autant plus que je n’ai plus aucune nouvelle de lui depuis 30 ans.

Gardez-vous un bon souvenir de votre histoire d’amour ?

Oui. Il y a pire dans la vie que d’être liée à Bob Dylan pour le reste de son existence.

Comment expliquez-vous son Prix Nobel de Littérature ?

Il y a sa stature, populaire quasi mythique. Et il y a ses chansons, accessibles à tous. Leonard Cohen était peut-être un meilleur auteur, mais son œuvre n’a pas la même proximité avec le public. Est-ce de la littérature ? Peu importe, il a mérité son prix.

Pourquoi n’écrivez-vous plus de chansons ?

L’inspiration ne me vient plus. De toute façon, il n’y en a qu’une dans le haut du panier, c’est « Diamonds and Rust » (1975). Celle-là est venue d’une façon particulière [elle y annonce à Bob Dylan sa rupture avec lui, ndlr].

Êtes-vous croyante ?

Oui. Ma religion est faite de méditation bouddhiste et de pratiques amérindiennes.

Votre voix, c’est votre don ?

Oui. Mais maintenant je dois la travailler. C’est ce qui me fatigue le plus.

Vous ne voulez pas faire la tournée de trop…

Exactement. D’autant que les tournées me prennent trop de temps, d’énergie. Je n’ai plus 45 ans. Mais si on m’appelle pour une bonne cause, je pourrai chanter 20 minutes.

En attendant vous serez dix soirs à l’affiche de l’Olympia (4-17 juin)…

Oui. Paris est l’endroit où j’ai toujours voulu tendre à la perfection.



 

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