“La Ronde” d’Arthur Schnitzler : une danse vénérienne jusqu’à la désolation

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Natascha Rudolf propose une version épurée et contemporaine de la célèbre et scandaleuse Ronde, d’Arthur Schnitzler. Arnaud Chéron et Fanny Touron interprètent à eux deux les vingt personnages, accentuant la tristesse d’un texte qui décrit le désabusement sexuel d’une société incapable d’aimer.

AVIGNON IN/OFF

Dans une folle ronde amoureuse et sexuelle, libertine et pathétique, comme un désaveu permanent et désespérant sur les possibilités (ou plutôt les impossibilités) de l’amour humain, Arthur Schnitzler décrit la société viennoise de son temps, une société désabusée que la morale ne retient pas et qui vit la décadence sans jouissance. Plus que tout autre sentiment, c’est bien la tristesse qui prédomine dans la mise en scène qu’en fait Natascha Rudolf.

Écrite en 1897, La Ronde provoqua un grand scandale à l’époque. Pour ceux qui n’ont jamais lu le texte ni vu le spectacle, sur scène ou au cinéma (Max Ophuls en a fait une adaptation célèbre), le principe est simple : il s’agit de dix brèves rencontres voluptueuses entre deux personnages, un homme et une femme, l’un des deux se retrouvant dans la scène suivante, avec un nouveau partenaire. Nous croisons dans cette ronde de la séduction et de l’infidélité une prostituée, un soldat, une femme de chambre, un jeune monsieur, une femme mariée, un époux, une grisette, un écrivain, une comédienne et un comte.

La force de ce texte ne tient pas tant dans tel ou tel dialogue que dans leur succession, leur empilement, comme les étages d’un même édifice. Nul ne sort indemne de cette danse vénérienne, impression renforcée par la traduction résolument contemporaine (et à ce jour inédite) de Natascha Rudolf, qui adapte et met en scène le texte, dans une version compressée pour deux comédiens.

Le parti-pris de la metteure en scène franco-allemande, dont nous connaissions le travail depuis Looking for Lulu, est de décliner sobrement ces dix dialogues, les deux comédiens ne disposant que d’une tenue vestimentaire (en noir et blanc), d’une estrade, d’un drap, d’une flasque, d’une cigarette et de quelques chaises. Cela renforce avec pertinence cette dimension de superposition des scènes, la ronde n’étant qu’une variation interminable d’un seul et même acte sexuel, qu’une fluctuation cyclique d’une unique humanité en quête d’amour (la question retentit souvent) et pourtant incapable de mettre le poids de son existence dans la parole qu’elle prononce.

Nous voyons Arnaud Chéron et Fanny Touron, tous deux très justes de bout en bout, se vêtir et se dévêtir, avec enthousiasme, lassitude, désir ou dégoût, laissant dans leur sillage un même sentiment d’accablement, d’amertume et de désolation.

Pierre GELIN-MONASTIER



Spectacle : La Ronde

Durée : 1h15
Public : à partir de 16 ans

Texte : Arthur Schnitzler
Traduction, adaptation et mise en scène : Natascha Rudolf
Avec : Fanny Touron et Arnaud Chéron
Lumière : Luc Jenny
Diffusion : Valérie Teboulle

Crédits photographiques : Laurent Cibien



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