Le SYNDEAC sur tous les fronts de la refondation culturelle et politique

Le SYNDEAC sur tous les fronts de la refondation culturelle et politique
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Entre syndicalisme traditionnel et syndicalisme propositionnel, le SYNDEAC (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), dont le bureau et le conseil national ont été renouvelés à l’automne dernier, entend proposer un nouveau mode d’action, en lien avec ses tutelles : la preuve avec le rassemblement organisé aujourd’hui même au théâtre de La Colline. Passage en revue de ses chantiers en cours, avec Marie-José Malis, présidente du syndicat.

La nouvelle a été relayée dans la presse le mois dernier : le 16 janvier 2018, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté les syndicats d’artistes (FNSAC-CGT, SFA-CGT, SNLA-FO, FASAP-FO et SNAPAC-CFDT) dans le procès les opposant au Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) et à quinze Centres dramatiques nationaux (CDN).

Ces derniers avaient été assigné en décembre 2015 par les organisations – emmenées par la SFA-CGT – qui leur réclamaient une somme totale de 8,5 millions d’euros, au titre du non-respect du volume d’emploi des artistes interprètes au sein de leur théâtre.

Une plainte symboliquement forte

Selon un accord professionnel datant de 2003, 40 % du budget artistique devrait être consacré à l’artistique. Sans se prononcer sur le fond du dossier, le jugement a statué sur la forme, considérant que les syndicats de salariés, avant de saisir la justice, auraient dû s’adresser à la Commission nationale paritaire de conciliation, d’interprétation et de validation. S’il ne s’agit peut-être là que de la première étape d’un parcours judiciaire, ce litige renvoie à un contexte de plus en plus difficile.

La baisse des subventions publiques a des répercussions directes sur le budget que ces institutions consacrent à l’artistique et conduit, entre autres, à une réduction des périodes de création ou à la diminution du nombre de comédiens dans les distributions.

Symboliquement, la plainte est également forte : elle acte une crispation et renvoie dos à dos deux « corps » différents : ceux des salariés et artistes d’une part – qui se considèrent comme exclus de ces maisons – et ceux de l’institution d’autre part…

Interrogée au sujet de ce jugement, Marie-José Malis ne fait preuve d’aucun triomphalisme et se veut apaisante : « Nous disons et redisons à la SFA-CGT notre souhait de renégocier cet accord, de le redéfinir ensemble. Cela, ni pour l’affaiblir dans son ambition, ni pour diminuer la place des artistes dans les CDN, mais pour l’ajuster aux pratiques actuelles et pour, éventuellement, inventer de nouvelles modalités de présence des artistes dans nos théâtres. »

Renouveler les cadres

« Inventer de nouvelles modalités » : au cours de notre échange avec la metteure en scène et directrice de La Commune (CDN d’Aubervilliers), ces termes reviennent à plusieurs reprises, qu’il s’agisse du fonctionnement du SYNDEAC en lui-même, comme des projets menés en son sein.

Élue en septembre 2017 à la présidence de la structure, et succédant à ce poste à Madeleine Louarn, Marie-José Malis explique : « Le SYNDEAC est arrivé à un moment pivot sur les plans idéologique, de la fonction et de son mode de détermination» Impulsé par Madeleine Louarn, qui avait mis « en place ces deux dernières années un nouveau mode de gouvernance plus collégial, avec une présidentialisation moins forte », ce mouvement renvoie au rôle même du SYNDEAC.

Parallèlement au « syndicalisme strict de défense des droits », il s’agit pour Marie-José Malis d’entrer « dans un syndicalisme propositionnel, qui redonne la voix aux professionnels sur la capacité d’invention, de modernisation, de proposition. Cette position consiste à dire que nous ne devons pas être seulement dans une défense des droits acquis. Nous devons essayer d’influencer les cadres de la politique, proposer de nouvelles hypothèses. Il faut changer les choses, et c’est nous qui devons réfléchir aux conditions de ce changement. »

Un syndicalisme à deux versants

Marie-José Malis (crédits : Julien Pebrel)

Dans les faits, ce double positionnement prend forme à travers différents chantiers ou luttes.

Côté syndicalisme traditionnel, citons les déclarations du SYNDEAC, à la suite de la réforme dite « programme Action publique 2022 » (ou encore sa signature de l’Appel de Montreuil, le 15 janvier dernier, aux côtés d’autres organisations, syndicats et professionnels du monde de la culture) ; les inquiétudes quant au lancement du Pass culture, promesse de campagne du président Emmanuel Macron ; ou encore la défense pour la préservation des contrats aidés. Un « travail continuel, fondé sur le rapport de force qu’introduit le syndicalisme dans les instances sociales », qui demeure aussi « invisible qu’important ».

Côté syndicalisme propositionnel, déclaratif, cette dimension s’incarne publiquement ce mardi 30 janvier. Ce jour-là, le SYNDEAC organise un rassemblement au Théâtre national de la Colline. Intitulé « Pour une refondation de la politique culturelle : appel à un nouveau contrat républicain. L’art au cœur des nouveaux besoins de fraternité, d’émancipation, d’équité sociale et territoriale », cet appel lance une campagne « pour de nouveaux mots d’ordre de la politique culturelle ».

Comme le détaille Marie-José Malis, « avec le changement politique, qui a vu l’arrivée de figures nouvelles, correspond la nécessité d’entrer dans une nouvelle séquence ». L’idée est, ici, de « convaincre le nouveau pouvoir d’accompagner une remise à jour des cadres de l’action publique en matière culturelle, des modalités de la politique ». Une hypothèse ambitieuse qui répond également au souci de sortir « d’une séquence un peu accablante. Nous avons assisté à l’érosion des moyens, à la perte d’influence symbolique de la culture ».

Concrètement, l’organisation patronale souhaite initier « de nouveaux prototypes, de nouvelles expériences modélisantes. Nous proposons de les articuler autour d’une chose simple : faire apparaître l’alliance de l’art avec d’autres champs de la société : jeunesse, politique de la ville, politique de la santé, architecture, etc. ». Des nouveaux modèles dont l’existence serait rendue possible via des « financements interministériels ou des financements européens ».

Quelles suites à cette refondation ?

Surtout, il s’agit d’une volonté politique : évoquant d’une part la sollicitation de la ministre – « nous lui avons demandé de nous aider à mettre en place le nouveau cadre de la politique culturelle » –, la présidente du SYNDEAC rappelle, d’une autre, la question du financement : « Après tout, l’État a une politique budgétaire appelée « investissements d’avenir ». C’est une manne colossale, qui est toujours destinée à l’industrie et jamais à la culture ».

S’il est trop tôt pour percevoir les suites de cette refondation, ce mouvement constitue à coup sûr une étape dans les rôles et missions du SYNDEAC. Fort aujourd’hui de plus de quatre cent adhérents, au compte desquels figure quasiment tous les CDN, les centres chorégraphiques nationaux, les scènes nationales, certaines scènes conventionnées ou scènes de musiques actuelles, certains festivals et des compagnies (chorégraphiques, dramatiques, lyriques, musicales, des arts de la rue ou du cirque), le syndicat patronal a toujours accompagné les transformations du champ théâtral.

Né en 1971, soit au lendemain de mai 1968 et de la Déclaration de Villeurbanne, le SYNDEAC a été un acteur de son institutionnalisation. En son sein et par lui s’est structuré le réseau de directeurs de la décentralisation, qui était auparavant une communauté à l’existence informelle. En ayant, depuis ses débuts, participé à l’invention des normes spécifiques du secteur culturel public, le SYNDEAC a, ainsi, contribué à l’institutionnalisation de la position dominante du directeur.

Dans cette perspective, l’appel du 30 janvier pourrait ne constituer qu’une étape de plus de cette position. Si le risque d’une telle montée en puissance serait la détérioration des relations avec les syndicats de salariés, la constitution de ses instances permet de rester optimiste. L’assemblée générale de septembre dernier a, en effet, vu l’arrivée au sein de son conseil national de plusieurs équipes artistiques. Une telle diversité pouvant être le gage d’un dialogue qui n’ignorera aucun des acteurs du champ culturel.

Caroline CHÂTELET



Photographie de Une – Marie-José Malis (crédits : Julien Pebrel)



 

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3 commentaires

  1. C’est effectivement le problème majeur que pose le SYNDEAC à l’ensemble des travailleurs du spectacle vivant. Par ses moyens financiers, son influence intellectuel et politique, son monopole sur les outils de la décentralisation institutionnel, ce syndicat patronal dicte y compris à l’ Etat LA politique culturelle telle que ses membres la définissent. Par ailleurs, il s’affranchit de toute contrainte comme on le voit avec la mise en lumière de son non respect à ses propres engagements quant à l’emploi artistique.
    Là, il commence à pétocher car l’ Etat lui remonte les bretelles et il se rend compte que dans ses rangs il n’y a plus grand monde qui fasse le poids. La plupart des directeurs de grosses institutions sont compromis politiquement jusqu’au cou avec le ministère. Alors monte au créneau les frondeurs qui viennent des compagnies et qui ont fait le pari de changer l’Institution oubliant qu’ils sont avant tout des patrons d’entreprise.
    Voilà en gros la situation.

  2. J’étais hier au rassemblement du Syndeac à La Colline. J’avoue ne pas comprendre ce qu’est l’enjeu de cette initiative: pour quoi, exactement? De mon point de vue (et je ne suis pas le seul) une grande attente, mais une grande ambigüité, pour ne pas dire davantage…

  3. Le syndeac veut évoluer mais continue à ignorer les enjeux des droits culturels, malgré la loi NOTRe. Le corporatisme va -t-il encore l’emporter ? Probablement. tant que le syndeac considérera qu’il est dépositaire des valeurs de référence de l’art !

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