“Perfidia” de Laëtitia Pitz : une valse à trois temps

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Écrit et interprété par Laëtitia Pitz, Perfidia se présente comme le récit de trois générations de femmes au fil du siècle passé. L’originalité de cette pièce est qu’il s’agit d’une lecture, une lecture qui nous surprend et nous émerveille tant elle est portée à son plus haut degré artistique.

AVIGNON IN/OFF

Nous avions quitté la compagnie messine du Roland furieux dans son bel assaut d’une montagne, ou plutôt d’un glacier : le roman L’Au-Delà de Didier-Georges Gabily, avec pas moins de huit comédiens sur la scène. Nous la retrouvons avec une forme miniature, intime et sobre, portée par l’autrice et actrice Laëtitia Pitz. Il ne s’agit pas d’abord de théâtre, du moins pas au sens où on l’entend habituellement, mais d’une lecture. Rien de péjoratif dans ce dernier terme tant Laëtitia Pitz porte l’art de la lecture, souvent méprisé – notamment par les poètes qui prônent souvent la sobriété pour mieux sombrer dans la fadeur –, à son niveau le plus élevé.

Avec une économie de geste, cernée d’un halo lumineux tantôt resserré, tantôt élargi, elle nous entraîne – grâce à son impressionnante diction, à un phrasé parfait – dans une fresque historique, une valse de personnages, de regards et de désirs amoureux, scandant son texte pour en dégager toute la musicalité intrinsèque. L’immobilité apparente contraste avec le souffle qui nous entraîne dans ces vies minuscules, vies de femmes amoureuses, d’amantes passionnées, de mères fébriles.

Le texte de Laëtitia Pitz nous plonge dans la vie de trois générations de femmes, de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1980 en passant par la guerre d’Algérie, des femmes assoiffées de vie, d’amour, de sexe, de danse, de don, de musique, de poèmes… Les noms sont scandés, encore et encore, pour rappeler les humanités singulières en des temps de guerre, d’horreur, d’inhumanité : Jeanne, Eva, Camille, Clara, mais aussi Pierre, Jean, Orlando, Charles et Gabriel – ces hommes croisés, décroisés, engloutis, rejetés.

« Perfidia » est le nom d’une chanson d’Alberto Dominguez dont l’arrangement musical signé par Xavier Cugat clôt la pièce. Il est, plus originellement, ce qui passe à travers la foi, ce qui abîme la confiance tout en la renouvelant intimement, en dépit des crimes, des trahisons et des lâchetés, ce qui porte l’espérance au-delà des désirs heurtés, brésillés, broyés. Per-fidia – ou quand la transgression s’échoue sur les rives de la volupté.

Au pupitre, Laëtitia Pitz nous fait entrer dans ce déploiement vital, à la fois tendre et tumultueux. L’art de lecture trouve avec cette proposition l’un de ses sommets. Nous nous surprenons à être saisis, peu à peu, dans ce ballet de mots, de sons, de rythme et de sens – surpris et réjouis. Un beau texte pour une grande performance.

Pierre GELIN-MONASTIER

"Perfidia" de et par Laëtitia Pitz (© Morgane Ahrach)

« Perfidia » de et par Laëtitia Pitz (© Morgane Ahrach)



SPECTACLE : PERFIDIA

Spectacle vu à la Caserne des Pompiers (Avignon Off) le mercredi 21 juillet 2021.

Création : 2021
Durée : 1h15
Public : à partir de 14 ans

Texte et interprétation : Laëtitia Pitz
Collaboration artistique : Alain Chambon
Création lumières : Christian Pinaud
Création sonore : Marc Doutrepont



Tournée

Du 7 au 26 juillet 2021: La Caserne à Avignon (Off)

"Perfidia" de et par Laëtitia Pitz (© Morgane Ahrach)

« Perfidia » de et par Laëtitia Pitz (© Morgane Ahrach)



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