Radio et streaming : de nouveaux défis pour la diffusion musicale

Radio et streaming : de nouveaux défis pour la diffusion musicale
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Le streaming et la radio sont deux outils complémentaires, qui reposent la définition de la diversité telle que définie par la politique des quotas. Plus encore, en raison d’une réglementation inadaptée, des défis majeurs, notamment la rémunération des artistes, demeurent. Troisième et dernière partie de la recherche menée par Sarah Jacqueline Lang.

Sarah Jacqueline Lang a achevé une thèse professionnelle, dirigée par Elena Borin, sur l’impact des politiques d’exception culturelle française, dans un contexte d’évolution technologique. À travers l’exemple de la diffusion de la musique par la radio, elle s’interroge non seulement sur la pertinence d’une politique des quotas à l’heure où les plates-formes de streaming se multiplient, mais également sur différents impacts tels que la diversité culturelle, la diffusion-consommation ou encore la rémunération des artistes.

Elle propose, pour la première fois, une synthèse de ses recherches dans une série de trois articles publiés en exclusivité dans Profession Spectacle.

Exception culturelle et diffusion musicale (3/3)

Si la radio reste le principal média audio utilisé pour la diffusion musicale en France, le streaming amène une convergence des modes de consommation, à travers l’utilisation de supports digitaux. Bien qu’ils partagent un même objectif, l’écoute de contenus musicaux, cette évolution redéfinit le concept de diversité et remet en question l’état actuel de la régulation du domaine.

Des outils complémentaires

Pour approfondir la notion de complémentarité, il apparaît que ces deux modes répondent à des habitudes d’écoute différentes : distraction pour la radio (avec l’idée qu’elle accompagne d’autres activités), écoute personnelle grâce au streaming (sélection de playlists adaptées à l’humeur du moment).

Suite à son étude publiée en janvier 2019 sur le sujet, le CSA explique que malgré cette proximité, la substituabilité des services pour l’auditeur n’est pas encore clairement mesurable. En effet, si les radios accusent un risque de transfert d’usage (que l’on imagine déjà, dans une certaine mesure, chez les très jeunes générations), il est encore difficile de prévoir l’intensité de la pression concurrentielle du streaming sur les radios.

En effet, la convergence se retrouve jusque dans les programmes consommés, puisque le CSA indique que les titres ou artistes les plus diffusés en radio sont également parmi les plus écoutés sur les plates-formes. Si le service demandé est différent, le contenu demandé est quant à lui très proche.

En excluant les radios spécialisées sur un style musical, les radios et plates-formes en ligne partagent alors un même positionnement marketing, qui est de capter un public large et non ciblé en proposant un service généraliste. Un bon point théorique pour la diversité de manière globale.

La notion de diversité vue par les auditeurs

Cette diversité doit être prise avec des pincettes, car il apparaît qu’elle est estimée et soutenue par les auditeurs à condition qu’elle entre dans leurs goûts musicaux. Cette perception biaisée de la diversité menace finalement la musique française, d’autant plus si, pour croiser l’utilité des auditeurs, le mix optimal ne correspond pas à l’idée de diversité des autorités françaises.

La politique de quotas semble donc acceptable tant qu’elle n’influe pas sur les habitudes de consommation des auditeurs ; la notion d’individualisation du streaming a court-circuité l’objectif théorique des quotas, avançant que les goûts des auditeurs s’adapteraient aux programmes diffusés.

Une réglementation non adaptée

La régulation n’est donc plus adaptée au domaine actuel de la diffusion musicale et ce, pour deux raisons. D’une part, si la diversité semble bien représentée dans les services de streaming, rien n’incite les auditeurs à écouter ou découvrir la musique française plutôt que les hits par exemple (le plus souvent anglophones donc).

D’autre part, la régulation ne prend pas en compte l’internationalisation du monde de la musique. Nous l’avons vu, les artistes français performant en une langue étrangère ne sont pas considérés dans le calcul des quotas et sont donc dépourvus de cette protection.

Une faiblesse pour la création française en général, surtout que le succès planétaire des plates-formes musicales offre à contrario une possibilité d’être diffusé à l’étranger, offrant à la culture française une promotion vers un auditoire plus large et international. L’impact réel des plates-formes sur la protection de la culture française reste alors à définir avant de les réguler.

De nouveaux défis pour l’industrie musicale

Pour finir, si le modèle économique des plates-formes de streaming complète la diffusion musicale des radios, les professionnels de l’industrie musicale se penchent aujourd’hui davantage vers un remplacement de la collection de CD que de l’écoute d’un flux musical : la plate-forme, semblable à un magasin de disques, propose un large catalogue de genres et d’artistes, où chacun peut y trouver son compte. Le streaming serait-il donc une extension de la consommation plus que de la diffusion ?

Le directeur général de Spotify Sud-Europe corrobore cette position à travers l’engagement économique des auditeurs : alors qu’un CD vaut en moyenne une quinzaine d’euros, la plate-forme propose un accès illimité à son catalogue pour 9,99 €/mois. Un transfert d’usage justifié par une offre plus effective pour le consommateur.

On ne peut alors passer outre la question de la rémunération des artistes. D’un côté, les radios sont fondées sur les licences globales, permettant une rémunération a posteriori et régulière à travers les sociétés d’auteurs. De l’autre côté, la vente de CD permet une rémunération de 8 à 10 % environ du prix de vente (suivant les intermédiaires et canaux de distribution). Le streaming quant à lui rompt une nouvelle fois avec le système, en négociant directement les droits d’exploitation avec les ayants-droits.

En proposant aux artistes une relation sans intermédiaire et une réelle visibilité (par des campagnes de marketing, promouvant par la même occasion le service lui-même), cette stratégie semble contrebalancer la rémunération offerte, quand on sait qu’une écoute sur la plate-forme leader rapporte 0,0038 €… Le système apparaît peu égalitaire, car bien que la diversité du contenu soit louable, la rémunération est cependant basée sur le volume d’écoute ; en choisissant un morceau, l’auditeur ne soutient donc pas directement l’artiste écouté.

Si les plates-formes musicales offrent une diversité du contenu et un accès égal à toutes les musiques, leur modèle rémunératoire semble alors tout de même en mettre certaines de côté (voire la plupart, au-delà des chansons stars). La régulation du streaming, si elle ne peut se faire sur les mêmes critères que les radios musicales, devrait alors répondre à d’autres dangers pour protéger et promouvoir la culture française, notamment sur le plan financier.

Sarah Jacqueline LANG

Lire aussi :
La politique d’exception culturelle appliquée aux radios musicales (1/3)
Radiophonie et technologie, un tournant pour la diffusion (2/3)



 

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