Résidences en milieu rural : exigences, règles et modèles économiques

Résidences en milieu rural : exigences, règles et modèles économiques
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La résidence d’artistes est un dispositif d’accueil temporaire qui permet aux compagnies d’expérimenter, loin de toutes contraintes. En milieu rural, elle doit favoriser la rencontre avec la population. Visite guidée dans le Morvan !

C’est une petite ville au pied du Morvan, face à un affluent de la Loire. Ici, les noms de lieux sentent bon la France du Moyen-Âge : le Pont du Diable, le Bois des Vergers… Une Bourgogne d’élevage, de grands troupeaux de vaches blanches au milieu de prés verts, entourés de haies vives. Malgré sa petite taille (1 500 habitants), Toulon-sur-Arroux n’a peur de rien. A 1h10 de Paris via la gare Le Creusot TGV, elle a monté au bord de la rivière, en contrebas du bourg, un lieu de résidence artistique dédié au spectacle vivant, le Moulin des Roches.

« Lorsque nous nous sommes installés, ce lieu existait déjà. Au lieu de l’investir, nous avons pensé qu’il était plus intéressant d’inviter de jeunes compagnies en résidence pour varier l’offre », raconte Julie Roux co-directrice de Cipango. Cette compagnie de théâtre, créée par des comédiens du Conservatoire de Paris, est l’opérateur culturel de Toulon-sur-Arroux. Lorsque la structure d’accueil est une collectivité locale, précisent les textes, elle doit obligatoirement impliquer une structure culturelle pour accompagner le travail des artistes et favoriser leur rencontre avec les publics.

Les résidences d’artistes sont régies par la circulaire du 8 juin 2016 du ministère de la Culture, le texte sur lequel s’appuient les DRAC (directions régionales des affaires culturelles), les mairies, les départements. Quatre types de résidence sont privilégiés : la résidence de création, la résidence d’accompagnement ou tremplin, la résidence d’artiste associé et la résidence « artiste en territoire », qui répond à une stratégie de développement culturel local.

« Nous ne sommes pas co-producteurs »

Mais il ne s’agit pas seulement d’inviter…  Il faut aussi mettre une partie de son savoir-faire artistique, technique et administratif au service de l’artiste. « Certaines jeunes compagnies ne savent pas établir un contrat de cession ou faire une facture, alors je prends un peu de mon temps pour leur expliquer », témoigne Chloé Leureaud, l’administratrice. « Notre régisseur montre le fonctionnement du matériel son et lumière. Nous facilitons les échanges artistiques et nous donnons des conseils de diffusion. Mais nous ne sommes pas co-producteurs », souligne de son côté Julie Roux.

Au rez-de-chaussée du Moulin des Roches, qui abrite la bibliothèque et la chorale, se trouvent la loge et le local technique équipés par Cipango. C’est à l’étage qu’ont lieu les répétions, avec un plateau de six mètres. Soixante sièges permettent d’organiser des « petites formes » ou des « sorties de résidences » devant un public local. L’hébergement mis à disposition est au village, dans l’école primaire. « Pour la nourriture et le déplacement, nous participons selon les distances et le nombre d’artistes. » Des conditions de travail idéales pour créer, répéter, tester, pendant deux à quatre semaines. Les textes ne mentionnent aucune durée. « Personne n’a les mêmes besoins ! »

Issues du secteur culturel ou pas, les structures d’accueil bénéficiaires d’aides financières aux résidences peuvent être publiques ou privées. Pour le Moulin des Roches, la ligne de financement de la DRAC (25 %) associe à parts égales la région Bourgogne-Franche-Comté et le département de Saône et Loire (25 %), tandis que la mairie de Toulon sur Arroux entre en nature sur les 50 % restants. Cipango dévoile ses chiffres en toute transparence : 43 000 € de subvention soit 35 000 € de budget pour douze compagnies. « La clé de voûte, c’est un partenariat avec une institution bienveillante qui veut réduire les inégalités d’accès à la culture en milieu rural », conseille Julie Roux.

Chaque année, douze compagnies en résidence

C’est avec un CLEA (contrat local d’éducation artistique), un dispositif qui associe les ministères de la Culture et de l’Éducation Nationale, ainsi qu’une, voire plusieurs communes, que Cipango boucle son budget. « Julie pouvait dispenser 60 heures d’ateliers dans les écoles associées au CLEA. Mais c’est plus enrichissant pour les scolaires d’avoir accès à de la danse, du cirque, du théâtre, de la musique, des marionnettes. Aussi, ce sont les compagnies en résidence qui sont rémunérées pour donner les ateliers », commente Chloé Leureaud. « Attention, précise Julie Roux, c’est nous qui avons eu l’idée d’adosser un CLEA aux résidences. Mais d’autres montages financiers sont possibles ! »

D’une façon générale, l’artiste ou la compagnie en résidence doit signer une convention avec l’organisateur. « L’ensemble des réglementations applicables, dont le droit du travail et le droit de la propriété intellectuelle, doit être respecté », dit la circulaire de juin 2016. Depuis cette date, soixante compagnies de toutes tailles et de toutes disciplines ont séjourné au Moulin des Roches. Seules contraintes : une sélection par un appel d’offres avec au moins cinq compagnies de la région et la nécessité, pour les compagnies invitées, d’avoir des artistes issus d’écoles supérieures.

Chaque année, Cipango reçoit une cinquantaine de candidatures. Jamais à court d’idées, la jeune compagnie bourguignonne organisatrice de résidences réfléchit maintenant à un autre projet pour l’ancienne maison du curé. La bâtisse située au sommet d’une colline, dans un hameau de 150 habitants, ne dispose d’aucun espace de répétition. Mais avec son jardin bucolique, elle est un endroit idéal pour accueillir des résidences d’écriture. Pour Cipango et le festival Y’a pas la Mer qu’elle co-organise chaque année, il ne reste plus qu’à trouver… le modèle économique idéal !

Kakie ROUBAUD

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