Sabine Chevallier, héraut de la littérature destinée à la scène

Sabine Chevallier, héraut de la littérature destinée à la scène
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Issue d’un milieu éloigné de la littérature, Sabine Chevallier s’est lancée il y a 25 ans dans l’aventure de l’édition : elle publie des textes destinés à la scène, c’est-à-dire des écrits à la qualité littéraire certaine, qui trouvent leur expression privilégiée sous la forme de l’oralité. Les éditions Espaces 34, situées aux Matelles dans l’Hérault, sont un pari osé, une aventure originale, une maison littéraire précieuse. Rencontre avec Sabine Chevallier.

« Le théâtre n’a pas nécessairement de place dans mon parcours d’études, mais il en a une importante dans ma vie, au même titre que l’écriture et la lecture. » Guidée par sa passion, grâce également à des rencontres humaines, elle crée en 1992 une maison d’éditions : Espaces 34. Elle lance d’abord une collection de textes contemporains avant de s’intéresser aux textes de théâtre du XVIIIe siècle, qu’elle souhaite rendre accessibles à tous, soutenue par David Trott, professeur de littérature dramatique à Toronto. Elle étoffe par la suite sa ligne éditoriale de collections sur les arts de la scène, pour la jeunesse, ou encore constituée de traductions de textes de théâtre contemporains, en lien avec la maison Antoine Vitez. Elle est soutenue dans ses démarches par l’ancienne région Languedoc-Roussillon, mais aussi par le CNL ou encore, depuis 2003, par la SACD. Sabine Chevallier dirige seule cette maison, accompagnée d’une directrice de collection pour les textes du XVIIIe siècle.

Des livres construits pour rendre compte du sens

Layout 1Sa démarche, nous explique-t-elle, est tout entière centrée sur la question du sens, liée nécessairement à celle de la forme ; elle repose sur un lien étroit avec les auteurs qu’elle publie : elle reçoit d’abord le texte, qui doit être porteur de questions de fond sur le monde qui nous entoure, puis tisse un lien avec les auteurs. Elle évalue parfois les textes en fonction des publications passées de l’auteur avec qui elle travaille

C’est pourquoi elle retravaille régulièrement la mise en page, pour adapter au mieux les projets de l’auteur. Elle mène pour cela un échange régulier avec eux, à propos de la forme ou la mise en page. « Il s’agit d’une mise en scène visuelle qui permet de donner des indications de lecture et du sens du texte, confirme-t-elle. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est que ça rende compte du sens. » Son travail d’éditrice se concentre sur la construction de livres, afin de montrer que les mots d’un texte de théâtre ne sont pas seulement le support du jeu, mais bien une matière en soit.

Le travail de diffusion consiste ainsi à valoriser l’objet-livre – qui est également objet-texte – en tant que tel. Les relations de l’auteur, ainsi que le réseau propre qu’elle a constitué au fil des années, sont mobilisés : comités de lecteurs, écoles dans lesquelles sont menées des actions pédagogiques d’initiation à la lecture et au livre-objet, associations, bibliothèques… En janvier 2017, elle se rattachera à un réseau de diffusion théâtral, afin de travailler auprès de libraires convaincus par le propos et qui, à leur tour, deviendront un relai.

Des formes d’écriture qui enrichissent la littérature

Sabine Chevallier refuse d’être enfermée dans un genre littéraire particulier, comme en témoigne sa présence dans divers salons du livre : au Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil, à La Comédie du Livre à Montpellier, mais aussi au célèbre Marché de la Poésie à Paris, qui est aujourd’hui le plus grand événement poétique européen. « Dans mon catalogue étiqueté ‘‘théâtre’’, confirme Sabine Chevallier, il y a certes des formes ‘‘classiques’’, mais de nombreux textes sont dans des formes d’écriture non conventionnelles, proches de la poésie, de la prose, du récit… Quelques formes sont inclassables, chorales, polyphoniques, qui sont revendiquées comme telles par les auteurs et qui ont leur place dans notre maison. » Parmi les auteurs publiés, citons Claudine Galea, Michel Simonot, Magali Mougel, David Léon, Rémi Checchetto, Philippe Malone, Fabien Arca, Sylvain Levey, Samuel Gallet…

Sabine Chevallier et Michel Simonot

Sabine Chevallier et Michel Simonot

Les frontières entre théâtre et poésie, entre texte littéraire et texte scénique, sont poreuses. C’est la raison pour laquelle un accompagnement étroit de ces écrits est nécessaire, notamment auprès de metteurs en scène et de compagnies de théâtre, afin « de susciter de l’intérêt pour lui-même et non seulement pour une mise en forme potentielle ».

Le plus dur, confie Sabine Chevallier, c’est de convaincre les journalistes de la valeur littéraire intrinsèque de ces textes ; ils préfèrent généralement attendre que le texte soit mis en scène pour en parler. Pas étonnant, dès lors, que le théâtre soit l’un des parents pauvres de la critique littéraire !

Pour cela, ses armes sont l’objet-livre, le soin apporté à sa réalisation – « Ce n’est pas un texte éphémère destiné à disparaître » –, la ligne éditoriale qui fait ses preuves depuis 25 ans, les relations de confiance qu’elle établit autour d’elle, la fidélité de ses lecteurs, ainsi que la persévérance et l’exigence qu’elle met pour chercher, travailler et publier les textes de théâtre : « On ne fait pas un livre jetable, conclut-elle. On le construit sur la durée, grâce à l’auteur dont l’écriture est au cœur de ce travail ».

Joséphine RABANY

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1 commentaire

  1. Très bel article 🙂

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