Sarrant enlumine la Gascogne d’arts et de culture

Publicité

« Pour que la commune ait une raison de vivre ! » Tels sont les mots d’Alain Berthet, maire de Sarrant, village situé aux confins du Gers. Doté d’un patrimoine exceptionnel, Sarrant attire de plus en plus d’artistes et d’artisans, comme en témoigne son festival de l’illustration, devenu une référence. Une micro-folie sera par ailleurs inaugurée en juillet prochain. Découverte d’un petit village au surprenant dynamisme culturel.

Devant l’entrée du village, une tour carrée du XIVe siècle se dresse fièrement, à la fois imposante et élégante, en un paradoxe qui reflète le caractère unique des lieux : Sarrant est un bourg d’environ trois cent cinquante habitants, constitué d’habitations aussi admirables que humbles. Nous ne sommes pas sur un impressionnant éperon rocheux, telles ses voisines Lectoure ou Auvillar, ni sur les majestueuses pentes d’une colline à la manière de Lauzerte au nord, ni sur les douces inclinations d’un coteau comme Lavardens à l’ouest.

Une bastide de Lomagne

Au carrefour du Gers, du Tarn-et-Garonne et de la Haute-Garonne, à quarante minutes d’Auch et à une heure de Toulouse, Sarrant semble élégamment posé le long du Sarrampion, une rivière qui contribue modestement au flux parcimonieux de la Gimone et aux larges ondulations de la Garonne. Tout en délicatesse, un ensemble de maisons anciennes forme une cosse circulaire et chaleureuse autour de l’église Saint-Vincent, de sorte que le village ne se dévoile que progressivement et avec simplicité au promeneur. Nous respirons le passé, en imaginant l’ancien tracé des fossés, en flânant le long du petit jardin médiéval, en contemplant ces lieux qui sont un gracieux alliage de bois, de pierre, de torchis et de temps. Il n’est dès lors pas étonnant qu’il jouisse du label « plus beau village de France » depuis plus de vingt ans.

Sarrant, un village figé ? Il n’en est rien. Intégré à la communauté de communes Bastides de Lomagne – du nom de cet ancien vicomté qui avait pour capitale Lectoure, du temps où l’administration n’avait pas encore évidé les appellations régionales de toute réalité naturelle, donc de sens – qui rassemble une quarantaine de communes, Sarrant développe depuis plusieurs années une intense activité artisanale et artistique.

Certes, il existe une tradition musicale fort ancienne à Sarrant. Au XVIe siècle, une étonnante confrérie rassemblant une centaine de musiciens aveugles – joueurs de violon, vielle, tambourin à cordes et flûte – élit domicile dans ce village, sous l’égide de Notre-Dame de la Visitation. Au XXe siècle et jusqu’en 2007, Sarrant est par ailleurs réputé pour ses Médiévales, festival de musiques et de danses anciennes, avec ses immanquables banquets et ses bals, aujourd’hui disparu.

En un sens, jusqu’en 2014, le village vit essentiellement sur ses acquis, à savoir son patrimoine. Seule l’étonnante Librairie-Tartinerie, fondée en 2000 par Didier Bardy et Catherine Mitjana-Bardy qui créent à cette occasion l’association LIRES, ouvre une fenêtre sur le monde artistique contemporain, non seulement par les milliers de livres qu’elle propose à la vente, mais également par sa maison d’éditions, La Librairie des Territoires, née en 2010.

Sarrant : village de l’illustration

2014, le tournant. Une année et deux événements, qui n’ont pas d’emblée de lien direct : la création des Estivales de l’illustration, par l’association LIRES et la médiathèque départementale du Gers, et l’élection d’un nouveau conseil municipal dirigé par Alain Berthet, maire réélu en 2020.

« Beaucoup de villages se meurent faute de projet territorial, constate Alain Berthet. Nous avions quant à nous la chance d’avoir la Librairie-Tartinerie, qui est un lieu exceptionnel pour une commune rurale telle que la nôtre. Nous avons donc soutenu dès l’origine leur envie de festival autour de l’illustration. »

À l’origine de l’événement, il y a quatre acteurs : Didier Bardy et Catherine Mitjana-Bardy, l’écrivain et illustrateur François Place, ainsi que Marie Paquet, directrice de la médiathèque départementale du Gers. Très vite, ce festival atypique attire des illustrateurs de toute la France, ainsi que des artistes étrangers, belges, espagnols… La communauté de communes apporte son aide et s’appuie dès lors sur cette dynamique pour axer sa politique culturelle et son développement artistique autour de la thématique de l’illustration. «  Nous essayons de développer un projet clair et cohérent pour que la commune ait une raison de vivre !, poursuit le maire de Sarrant. Il ne faut pas qu’elle devienne un simple endroit administratif délivrant des pièces d’état civil. »

Pour fortifier la librairie et le festival, un collectif de personnes acquiert une demeure située au cœur du village et crée en 2018 la Maison de l’illustration de Sarrant (LaMIS). L’enjeu est de constituer un pôle de référence pour tous les métiers et artistes liés à l’illustration, à travers des expositions, des ateliers de sérigraphie ou de gravure…

« Nous avons par ailleurs fait en sorte de favoriser l’installation d’artisans et d’artistes sur le territoire, insiste Alain Berthet. Nous avons travaillé pour cela avec un bailleur social de façon à ce que cinq appartements soient réservés à des illustrateurs ou des personnes travaillant dans un domaine proche et voulant s’implanter à Sarrant. »

En juillet 2019, la relieuse d’art Claire Lefeuvre crée son atelier Les Âmes Papier à Sarrant. Quelques mois plus tard, c’est au tour d’un couple d’illustrateurs de s’y établir. En juillet prochain, l’enlumineur espagnol Francisco Gutiérrez, formé à l’Institut supérieur européen de l’enluminure et du manuscrit d’Angers (ISEEM) et habitué des Estivales de l’Illustration au cours desquelles il anime régulièrement des ateliers, s’installera à son tour, avec sa compagne, dans le village.

Illustration par le numérique : inauguration d’une micro-folie

En marge du secteur de l’illustration, voici trois ou quatre ans, la compagnie théâtrale À la fin de l’envoi – une référence claire à Cyrano de Bergerac, Gascogne oblige ! –, créée en 2004 par Pascal Lebret et Nathalie Dewoitine, se fixe à Sarrant.

« C’est toute cette dynamique, portée conjointement depuis plusieurs années par les habitants et la municipalité, qui nous a permis d’obtenir l’aide de la DRAC pour la création d’une micro-folie, précise Alain Berthet. C’est extraordinaire pour un village aussi petit que le nôtre. Certes, il y a l’enjeu de la diffusion des œuvres. Mais c’est un lieu qui peut aussi servir d’espace de conférence ou de production, car nous disposons désormais d’un matériel performant. »

Déjà opérationnel, le musée numérique de Sarrant sera officiellement inauguré le premier week-end de juillet. Il est naturellement pensé comme un prolongement, par le numérique, de ce mouvement lié à l’illustration. Outre la mise à disposition de fonds issus d’une douzaine d’établissements culturels – du festival d’Avignon et de l’Opéra national de Paris aux musées du Louvre, d’Orsay ou du Quai-Branly en passant par l’Institut du monde arabe –, cette micro-folie proposera des rencontres avec des illustrateurs, des projections de films d’animation, des ateliers de dessins numériques ou de stop-motion, ou encore des concerts dessinés et projetés.

Juillet sera un mois culturel intense pour Sarrant, puisque cette inauguration sera suivie, une quinzaine de jours plus tard, par les fameuses Estivales de l’illustration, qui auront lieu du mercredi 21 au dimanche 25 juillet. Après une édition 2020 malheureusement annulée, les Estivales prévoient évidemment d’adapter son format 2021 aux mesures sanitaires.

Pierre GELIN-MONASTIER

.
En savoir plus : les Estivales de l’illustration

.



Crédits photographiques : mairie de Sarrant



 

Publicité

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *