Petits papiers et autres documents

Petits papiers et autres documents
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Critique dramatique et rédacteur en chef des Lettres Françaises, directeur de la publication et rédacteur en chef de Frictions, Jean-Pierre Han est une des plumes incontestées du monde théâtral, privilégiant une approche essentiellement politique. « Vagabondage théâtral » est sa chronique mensuelle pour les lecteurs de Profession Spectacle.

« Vagabondage théâtral »

Ses différentes appellations prouvent sans doute la difficulté que l’on a pour vraiment la caractériser. Je veux parler de la feuille de salle, ou de la bible comme on la baptise encore, ou…, bref de ce document parfois réduit à un simple papier de petit format, parfois à un minuscule quatre pages dans lesquelles tous les renseignements concernant le spectacle que nous allons voir sont minutieusement consignés.

Plus riches, les théâtres nationaux (Comédie-Française, Odéon, TNS ou Théâtre de la Colline) offrent carrément des fascicules dans lesquels de savants exégètes vous fournissent les clés du spectacle que vous allez voir, le tout agrémenté de quelques « belles » photos en couleurs et avec en prime – et en ouverture – le mot du directeur du lieu, celui du metteur en scène (c’est parfois le même) ou de quelqu’autre personnalité incontournable.

Lire ou relire ce genre de document après la représentation est toujours réjouissant : cela nous permet de mesurer l’écart, parfois un gouffre, entre ce qui est écrit et ce que nous venons de voir !… Mais nous sommes désormais tellement habitués à recevoir ce type de papier ou de brochure à l’entrée de la salle que ne pas en avoir crée un sentiment de frustration inouï, comme si nous nous nous retrouvions soudainement nus. Et comme par hasard, c’est justement à ce moment-là que le besoin de trouver le nom de tel ou tel comédien dans tel ou tel rôle, ou celui d’un autre participant, scénographe, décorateur, créateur lumière ou son… vous vient de manière urgente. Vous cherchez donc le document, et si vous en avez un le retournez dans tous les sens, sans bien évidemment trouver le renseignement cherché.

C’est aussi, durant le spectacle, le signe d’une certaine fébrilité, qui masque un début d’ennui, que vous cherchez à évacuer en pensant bien naïvement trouver une résolution à cet état d’âme. Avec une belle perversité, certaines équipes se contentent d’aligner le nom des participants par ordre alphabétique sans préciser le rôle qu’ils interprètent. Une manière comme une autre de bien affirmer que l’équipe de création est un vrai collectif, c’est à la mode aujourd’hui, mais on remarquera quand même que le metteur en scène échappe encore et toujours – mais pour combien de temps encore ? – à cette « collectivisation » forcenée.

J’adore les dossiers qui vous indiquent que le spectacle a été élaboré de manière collective, mais précisent tout de suite après que le metteur en scène est bien X ou Y, Jean-Christophe Meurisse ou Sylvain Creuzevault, parce que tout de même il ne s’agirait pas d’exagérer et de faire disparaître le maître de la scène d’un seul coup d’un seul. C’est d’autant plus tristement paradoxal que certains commencent à parler en ce XXIe siècle bien entamé de la disparition de ce fameux metteur en scène qui fut hégémonique et triomphant le siècle dernier… Ce même metteur en scène se voit toujours sommé dans les documents cités plus haut, d’expliquer son geste de création, comme si la réalité du plateau n’était pas suffisante, ce qui, il est vrai, est souvent le cas !

Jean-Pierre HAN

Retrouvez tous les vagabondages de Jean-Pierre Han :

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