11 juin 1940 : “Encore un instant de bonheur !”

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11 juin 1940… 81 ans jour pour jour – Alors que les nuages noirs s’accumulent sur l’Europe, Bartók profite d’un des derniers instants de bonheur pour composer son célèbre Divertimento, chef-d’œuvre de la musique du XXe siècle. Moins de deux mois après sa création, le compositeur quittera l’Europe pour les États-Unis.

Durant l’été 1939, c’est un Béla Bartók inquiet que reçoit le chef d’orchestre Paul Sacher à Saanen, près de Bâle, en Suisse. Les nuages noirs s’accumulent sur l’Europe et bientôt le monde. Peut-être le compositeur pressent-il qu’il devra prendre le chemin de l’exil. En tout cas, durant sa villégiature estivale, il compose une de ses partitions les plus célèbres, son Divertimento pour orchestre à cordes. Pour tragique qu’il soit au vu de la période, le moment est idéal pour le compositeur, qui se sent libre et qu’on laisse tranquille. Il écrit donc vite et termine sa partition en deux semaines seulement (du 2 au 17 août), déclarant à Sacher : « Encore un instant de bonheur ! » On a envie d’ajouter, à l’instar de Mme du Barry, « messieurs les bourreaux ».

L’œuvre est créée voici quatre-vingt-un ans, alors que le monde apprend avec stupeur que l’Allemagne nazie a lancé une attaque foudroyante et traîtreuse la veille contre les Pays-Bas et la Belgique pourtant neutres ; et qu’elle déferle également sur la France via la forêt des Ardennes, là où personne ne l’attendait. L’ambiance doit donc être lourde, ce 11 juin 1940 à Berne.

C’est l’orchestre de chambre de la ville, dont le patron est Paul Sacher, qui crée le Divertimento de Bartók. Les mêmes avaient déjà été dédicataires de sa fameuse Musique, percussions et célesta quatre ans auparavant. Moins de deux mois plus tard, le compositeur quittera l’Europe pour les États-Unis.

Le Divertimento est une sorte d’hommage au vieux « Concerto grosso » de l’époque baroque, ce genre qui préfigure le concerto pour orchestre et durant lequel des instruments ou familles d’instruments de l’orchestre sont mis en valeur comme des solistes. L’œuvre est en trois mouvements (vif-lent-vif) et les deux mouvements extrêmes s’inspirent largement de danses paysannes, dont on sait que Bartók a été un infatigable observateur et enregistreur durant toute sa vie. Le mouvement central est une magnifique pièce à l’atmosphère funèbre et presque désespérée, qui cache un finale débridé et plein de joie qui finit même « vivacissimo ».

Voici ce chef-d’œuvre de la musique du XXe siècle par un géant de la direction d’orchestre hélas disparu trop tôt et grand spécialiste de son compatriote Bartók : Ferenc Fricsay, en 1956.

Cédric MANUEL



À chaque jour son instant classique !
Rubrique : éphéméride



 

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