13 juin 1855 : Verdi conquiert Paris en massacrant des Français

13 juin 1855 : Verdi conquiert Paris en massacrant des Français
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Instant classique – 13 juin 1855… 163 années jour pour jour. Dans les années 1850, il ne faut espérer aucune carrière européenne, et donc internationale, sans passer par la redoutable case parisienne. Giuseppe Verdi avait déjà remanié ses Lombardi alla prima crociata en 1853, pour en faire Jérusalem, mais il lui faut désormais créer une œuvre originale pour la Salle Le Peletier où se trouve alors l’Opéra de Paris, que Verdi ne va pas tarder à appeler « La grande boutique ».

C’est néanmoins l’Opéra qui le contacte d’abord à l’été 1850, aboutissant à un contrat deux ans plus tard pour un drame en quatre ou cinq actes, dont le livret serait confié à Eugène Scribe. Ce dernier, recycleur en chef et devant les refus successifs du compositeur, reprend le texte qu’il avait écrit pour le Duc d’Albe de Gaetano Donizetti, lequel l’avait laissé inachevé, et en transpose l’action des Flandres du XVIe siècle à la Sicile du Moyen-Âge, pour illustrer l’insurrection des habitants contre Charles d’Anjou en 1282. Le dramaturge Casimir Delavigne avait écrit une pièce sur le thème de ces Vêpres siciliennes et inventé le personnage de Guy de Montfort.

Giuseppe Verdi n’apprécie guère ce livret et hésite longtemps, suscitant une forte tension avec l’Opéra. Les répétitions commencent à l’automne 1854, mais voilà que la principale protagoniste, Sophie Cruvelli, qui doit chanter le rôle de la duchesse Hélène, s’évanouit dans la nature… Elle va passer quelques jours au soleil en galante compagnie et ne revient qu’un mois plus tard. Verdi est furieux et menace de tout laisser tomber, prétextant par ailleurs la faiblesse du cinquième acte tel qu’écrit par Scribe, remettant en cause tout son travail.

Giuseppe Verdi écrit notamment : « Enfin, je comptais que M. Scribe, comme il me l’avait promis depuis le commencement, aurait changé tout ce qui attaque l’honneur des Italiens. Plus je réfléchis à ce sujet, plus je suis persuadé qu’il est périlleux. Il blesse les Français puisqu’ils sont massacrés ; il blesse les Italiens parce que M. Scribe, altérant le caractère historique de Procida, en fait […] un conspirateur mettant dans sa main l’inévitable poignard. »

Les répétitions sont à l’avenant, orageuses, au point que les interprètes surnommeront le compositeur « Merdi »… Pourtant, la création, ce 13 juin 1855, est un grand succès, ralliant même les suffrages du très sévère Hector Berlioz. Il fallait pourtant oser présenter comme grande œuvre originale à Paris un spectacle où les Français se montrent cruels et veules de bout en bout, et où ils se font tous tuer à la fin.

Après plus de 80 représentations, l’œuvre disparaît de l’affiche parisienne et n’y reviendra que 120 ans plus tard et en italien. La version française est d’ailleurs fort rare, reprise seulement en 2003 à l’Opéra de Paris et aussi ici, récemment, au Covent Garden de Londres, dans une production étrange où Erwin Schrott incarne un Procida ancien maître de ballet.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



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