17 novembre 1839 : pour Verdi, le comte est bon !

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Au commencement de la carrière de Verdi, il est un mystère… et un premier opéra, qui remporte un vif succès à La Scala de Milan, ouvrant la carrière que l’on sait. Il y a 182 ans aujourd’hui, Verdi s’envole définitivement.

La carrière lyrique de Giuseppe Verdi, qui aura le destin qu’on sait, commence par un mystère. Ou plutôt une confusion que les biographes du compositeur n’ont pas pu trancher avec une absolue certitude.

À la fin des années 1830, Verdi – qui n’a trente ans qu’en 1843 – est un jeune homme relativement comblé. En 1836, il s’est marié avec Margherita Barezzi, la fille de son mentor et soutien de la première heure. Deux ans plus tard, le couple a déjà deux enfants, Virginia et Icilio Romano. La renommée de Verdi, maître de musique du village de Busseto, près de son hameau de naissance, commence à sortir du cadre étroit de ce gros bourg de la plaine parmesane. Verdi rêve évidemment de commencer une carrière plus prometteuse dans la ville-capitale de la région, Milan elle-même. Tout son village bruisse de la rumeur qu’un opéra écrit par le jeune homme va être monté à la Scala et Verdi décide au début de l’année 1839 de s’y installer, sans situation et sans projet précis.

Il reprend contact avec Pietro Massini, directeur de la Société philharmonique, où Verdi a officié quelques années auparavant, et ancien patron du Teatro Filodrammatico de Milan. À ce fameux Massini, Verdi parle dès 1837 d’un opéra apparemment déjà ficelé, intitulé Rocester. L’auteur du livret en est le journaliste et soutien influent de Verdi, Antonio Piazza.

C’est là que commence le mystère : on sait que jamais cette œuvre n’a vu le jour mais on n’est même pas sûr qu’elle ait jamais été proposée. Ce qui semble plus établi, c’est que Verdi et Piazza ont détricoté Rocester pour fabriquer un autre opéra, Lord Hamilton. L’aide de Massini, qui présente Verdi à l’impresario de la Scala, Bartolomeo Merelli, est déterminante car personne ne veut se risquer à lancer un inconnu. Merelli annonce la production d’un nouvel opéra, rebaptisé Oberto, conte di San Bonifacio, doté d’une distribution supposée attirer les foules à défaut de le pouvoir sur le nom du compositeur.

Tout va pour le mieux jusqu’à ce que les répétitions commencent. Verdi connaît d’ailleurs les mêmes déconvenues à de nombreuses reprises dans sa carrière. Le grand ténor Moriani, dans le rôle de Riccardo di Salinguerra, tombe malade. Puis c’est le baryton Ronconi – star du moment – qui renonce, suivi par la soprano et future seconde épouse de Verdi, Giuseppina Strepponi – autre étoile, certes déclinante. Verdi est découragé. Il songe à rentrer à Busseto et écrire de la musique religieuse pour la paroisse locale. Mais Merelli sent qu’il y a là du potentiel, comme on dit. Il persuade le jeune homme de modifier un peu sa partition et la distribution qui en découle avec l’aide d’un librettiste encore plus jeune que lui, Temistocle Solera, futur auteur de quatre autres livrets pour Verdi.

Cette fois, la première peut avoir lieu, voici cent quatre-vingt-deux ans aujourd’hui. C’est un très grand succès pour un premier essai. Verdi est applaudi très chaleureusement par l’exigeant public scaligère. Le style de jeunesse de Verdi, vif et entraînant, est déjà très reconnaissable, par exemple dans cet extrait de l’acte II proposé ici dans la meilleure version moderne, dirigée par Neville Marriner avec Samuel Ramey dans le rôle-titre.

Verdi pourtant ne fait pas grand-chose pour qu’on se souvienne de ce premier opus lyrique, en particulier lors d’une reprise cinquante ans après sa création, que le compositeur juge bizarrement « vaine et irréalisable ». Mais on sait que le vieux maître, si bougon avec les autres, est tout aussi exigeant envers lui-même.

Ce 17 novembre 1839, les bases étaient posées, l’aigle pouvait s’envoler.

Cédric MANUEL



Un jour… une œuvre musicale !
Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 

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