19 janvier 1873 : Saint-Saëns le pionnier

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Alors qu’en cette seconde moitié du XIXe siècle, seul l’opéra est considéré par la bonne société, Camille Saint-Saëns écrit son premier concerto pour violoncelle, donnant ses lettres de noblesse française à la musique instrumentale.

Dans la tradition musicale française de cette seconde moitié de XIXe siècle, on parle surtout d’opéra, le genre noble. Peu de symphonies – du moins sans retentissement probant, même si Gounod, Saint-Saëns ou Bizet s’y essaient plus ou moins timidement ; encore moins de concertos et parmi ces derniers, jamais ou presque d’œuvre pour le violoncelle. Figurez-vous que le grand homme du violoncelle en France au milieu du siècle, c’est Jacques Offenbach, virtuose reconnu de l’instrument, qui lui avait consacré un concerto dit « militaire », et puis plus rien ou presque. Le violon est à peine mieux loti, grâce par exemple à Édouard Lalo, mais il semble acquis pour les musiciens français que ces genres musicaux sont en fait la marque des Germaniques et de l’est européen. Encore que les Allemands aient assez peu écrit pour le violoncelle : le (quasi) seul, c’est Schumann, en 1850.

Après la guerre de 1870, qui a suscité chez lui une sorte de sursaut nationaliste – alors qu’il admirait sincèrement la musique d’outre-Rhin, Camille Saint-Saëns figure parmi ceux qui créent la Société nationale de musique, vouée à promouvoir la création française. C’est aussi à peu près à ce moment-là qu’il écrit son premier concerto pour violoncelle. Il veut donner ses lettres de noblesse française à la musique instrumentale et un répertoire (il laisse aussi cinq concertos pour piano, trois pour violon, etc.). Il choisit cet instrument dont il apprécie la chaleureuse sonorité et les possibilités virtuoses.

Son concerto est donc conçu pour l’instrument avant tout, si bien qu’il est d’un seul tenant et sans introduction orchestrale. On entre dans l’œuvre comme dans un tourbillon et sans aucune préparation pour le pauvre soliste qui doit y aller à fond les ballons à peine assis sur son siège. Après ce premier mouvement effréné, un délicat menuet vient reposer les doigts du violoncelliste, avant que la fièvre, une fièvre très dramatique, ne nous entraîne irrésistiblement.

C’est Auguste Tolbecque qui crée ce concerto voici 149 ans, mais c’est la merveilleuse Jacqueline Du Pré que j’ai choisie pour vous le faire entendre, sous la direction de son mari Daniel Barenboim.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 

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