24 mars 1881 : Verdi « raffermit les pattes d’un vieux chien méchamment battu »

24 mars 1881 : Verdi « raffermit les pattes d’un vieux chien méchamment battu »
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Instant classique – 24 mars 1881… 137 années jour pour jour. Giuseppe Verdi avait mal vécu l’échec retentissant et sans appel de son opéra Simon Boccanegra, tiré d’une pièce de Antonio García Gutiérrez, créé en 1857 à Venise (quelle idée aussi d’aller parler d’un doge de Gênes à Venise !), repris avec un peu plus de bonheur à Reggio Emilia, avant de s’effondrer – semblait-il définitivement – à Milan et à Florence.

Giuseppe Verdi aimait cet opéra, pourtant incompris par le public, notamment à cause d’un livret (de Francesco Maria Piave) tarabiscoté et d’une atmosphère générale jugée « sinistre ».

Vingt ans plus tard, l’éditeur Ricordi espère le faire sortir de son silence (six ans se sont écoulés depuis le Requiem, dix depuis Aida), alors même que Giuseppe Verdi a déjà commencé à travailler à son futur Otello (alors appelé Iago, car il voulait centrer l’œuvre sur ce personnage très noir) avec son nouveau librettiste Arrigo Boito. Ricordi lui propose alors de reprendre ce Simon Boccanegra et de confier la refonte du livret à Arrigo Boito.

Giuseppe Verdi accepte finalement de « raffermir les pattes d’un vieux chien qu’on avait méchamment battu à Venise ». Une correspondance entièrement conservée permet de suivre pas à pas l’évolution de ce travail nouveau, dont le trait de génie se concentre dans la toute nouvelle scène du Conseil, à la profondeur dramatique irremplaçable. Ce chef-d’œuvre à lui seul et quelques autres aménagements habiles – un discours musical neuf, un sens de la narration moderne – permettent au vieux chien de remporter un vif succès le soir du 24 mars 1881 à la Scala de Milan, avec une distribution de haute volée emmenée par le Boccanegra du Marseillais Victor Maurel, qui sera Iago et Falstaff, sous la direction de l’ami Franco Faccio. Le travail d’Arrigo Boito achève d’ailleurs de convaincre le vieux maître que c’est bien le librettiste qu’il lui faut pour Otello.

Bien sûr, ce n’est pas l’opéra le plus parfait de Giuseppe Verdi : le livret initial reste complexe et la structure un peu bancale, mais c’est assurément l’un des plus beaux, l’un des plus grands chefs-d’œuvre du compositeur ; il connaît enfin, ces dernières années, la reconnaissance qu’il mérite. En tout cas, c’est mon favori entre tous !

Voici donc l’intégralité de la fameuse scène du Conseil, fabriquée de toutes pièces en 1880, qui culmine avec la malédiction terrible que lance Boccanegra au malfaisant Paolo, sans le nommer.

Ici dans une interprétation sans doute perfectible, mais efficace et à écouter pleins tubes. Pour des extraits plus courts et dans une bien meilleure interprétation qu’ici, recherchez les vidéos de la légendaire production de Giorgio Strehler à la Scala, sous la direction de Claudio Abbado, laquelle n’a pas pris une ride.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



Photographie de Une – Simon Boccanegra, prod. Giancarlo del Monaco, avec Plácido Domingo
(crédits : Marty Sohl/Metropolitan Opera)



 

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