5 février 1887 : le « projet chocolat » de Verdi enfin révélé

5 février 1887 : le « projet chocolat » de Verdi enfin révélé
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Instant classique – 5 février 1887… 131 ans jour pour jour. Voilà une des grandes dates de l’histoire de l’opéra, celle de la création – dans une atmosphère délirante – d’Otello, de Giuseppe Verdi, à la Scala de Milan. Il avait fallu beaucoup d’énergie au librettiste (et compositeur) Arrigo Boito, qui avait rencontré Verdi dès 1862, pour convaincre le vieux maître, âgé de 73 ans au moment de la création, de se remettre au travail.

Giuseppe Verdi, fatigué, avait rangé sa plume depuis cinq ans, après le Requiem de 1874, lorsque l’éditeur Giulio Ricordi organise un dîner avec Verdi et Boito ; il y est question de William Shakespeare, dont Boito est un spécialiste, et en particulier de son Othello. Verdi y regrette « l’appauvrissement » du sujet tel que l’avait traité Gioachino Rossini plus de 60 ans auparavant. Ni une ni deux, Arrigo Boito se met à fabriquer un livret à partir de la pièce, prêt dès l’automne 1879. Ricordi voit déjà la bonne affaire…

Seul Verdi n’a pas encore le déclic, se considérant déjà à la retraite. Sur ces entrefaites, Boito et l’éditeur le convainquent de remettre sur le métier le merveilleux Simon Boccanegra, opéra que Verdi aimait profondément et dont il avait gardé quelque amertume de l’échec de 1857. L’œuvre remaniée, créée en 1881, est celle qu’on connaît aujourd’hui. Il n’y a pas assez de mots pour dire la reconnaissance que l’on doit à Boito d’avoir permis à Verdi de produire un tel chef-d’œuvre !

Panettone et chocolat

Tout ceci instaure un climat de confiance entre Boito et Verdi. Mais toujours pas de déclic sur Othello. Deux Noëls de suite, en 1881 et en 1882, l’éditeur Ricordi envoie un gros panettone à Verdi, à chaque fois surmonté d’un bonhomme en chocolat, genre gros clin d’œil puisqu’Othello est maure (oui, c’est vrai, ce n’est pas très finaud).  Peu à peu, Verdi réfléchit à son « projet chocolat », dont le secret doit être gardé absolument.

La mort de Richard Wagner, en 1883, est une sorte d’électrochoc. D’abord, Verdi avait détaillé à plusieurs reprises les différences profondes entre l’art lyrique italien et le wagnérisme. Mais il rend un vibrant hommage à son rival et prend conscience de la nécessité de faire évoluer l’opéra italien vers des formes davantage tournées vers l’avenir, avec moins d’airs isolés et un discours continu, lui qui pourtant critiquait la modernité.

Ainsi naissent les premières mesures de « Iago », car Verdi voulait donner le premier rôle au méchant traître qui va conduire Othello (devenu Otello dans l’opéra) à son auto-combustion jalouse. Et, après un 3e panettone avec bonhomme en chocolat, Verdi se met au travail en 1884. La partition est achevée très exactement le 1er novembre 1886 : « C’est fini ! Bravo à nous… et à lui ! ».

Le livret tire l’essentiel du drame shakespearien sans s’attarder ; l’opéra est donc concentré, tendu, la musique résolument novatrice, comme la naissance d’un nouvel avenir pour l’opéra italien. En somme un chef-d’œuvre absolu.

Je pourrais choisir, pour illustrer cet article, l’opéra entier ! Il est très difficile de choisir. Alors, voici le finale (« Niun mi tema », « que personne ne me craigne »), lorsqu’Otello, pétrifié en voyant le tragique résultat auquel l’a conduit Iago en manipulant sa jalousie, chante une dernière fois sur le corps de Desdémone son amour, avant de mettre fin à ses jours. « Un bacio, un bacio ancora, un altro bacio… » Ici avec l’un des plus grands tenants du rôle de ces 10 dernières années, Aleksandrs Antonenko, sous la direction de Riccardo Muti, il y a 10 ans.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



Photographie de Une – Scène finale d’Otello avec Aleksandrs Antonenko et Marina Poplavskaya à Salzbourg en 2008 (crédits : Silvia Lelli).



 

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