“7 d’un coup” – Catherine Marnas revisite le conte de Grimm sur fond de harcèlement

“7 d’un coup” – Catherine Marnas revisite le conte de Grimm sur fond de harcèlement
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Catherine Marnas vient de créer, au Théâtre du Port de la Lune à Bordeaux, 7 d’un coup, une adaptation contemporaine du Vaillant petit tailleur des frères Grimm, à destination du jeune public (à partir de 6 ans). En substituant au tailleur le petit Olivier, cette mise en scène allie l’émerveillement traditionnel du récit intemporel et un contexte résolument actuel, sur fond de harcèlement et d’apprentissage de la vie.

« Olivier parlait beaucoup… beaucoup…
Il parlait seul.
Il remplissait le vide avec ses mots
. »

Au commencement était un petit garçon harcelé : Olivier « le têtard », « le froussard », « le binoclard »… Victime de railleries et de coups, il se réfugie dans sa chambre, autour de ses livres, de son goûter, de sa tartine de confiture. Les mouches l’y retrouvent, le tourmentant à leur tour ; elles ne sont pas signes de cette culpabilité antique ; elles témoignent plutôt que la peur et la tristesse ne connaissent aucune barrière physique si elles ne sont pas affrontées, vaincues.

Le jeune Olivier lève la main, une seule, et en écrase sept d’un coup. Un exploit digne de ses plus belles lectures – sauf qu’elle a eu lieu « en vrai », ou presque. « 7 d’un coup »… la formule est inscrite en lettre d’or sur la fière poitrine, suscitant l’appréhension et la suspicion, tandis que l’enfant commence à acquérir un peu d’assurance.

Un cheminement vers l’intériorité

L’aventure commence, en quatre épreuves qui sont autant d’étapes dans ce cheminement vers l’intériorité et la possibilité d’un avenir serein : les camarades de classe, tout d’abord, qui sont l’extériorité première, la plus évidente. La crainte change de camp, pour un peu d’assurance manifestée.

Cette première victoire appelle le périple des profondeurs : il faut s’enfoncer dans la forêt, dans l’obscure épaisseur de nos contrées intimes. Il y a cet homme-arbre, magnifique, gigantesque, qui incarne le moindre de nos rapports de force, et la capacité que nous avons de passer du statut de victime à celui de bourreau. La victoire appelle la bonté, non la vengeance.

Le sombre manteau de la nuit recouvre alors l’enfant, ponctuant son sommeil d’apparitions fugitives, d’ombres blanchies, sépulcrales (et à roulettes !) : nos peurs irrationnelles, nocturnes, celles de l’enfance et celles de l’inconscient, à la fois particulières et universelles.

Ce n’est qu’à ces conditions que l’enfant, aidé de sa conscience (bien féminine), peut parvenir à l’orée de l’âge adulte et affronter celui qui, du fait de son âge, incarne l’autorité. Nous retrouvons dans ce petit garçon quelque chose du Lulu de Magali Mougel (The Lulu Projekt), l’imaginaire enthousiasmant – parce que symbolique – du conte en plus.

Un conte pour notre temps

Du fait de son âge, Olivier Pauls peine parfois à incarner son homonyme en culotte courte, à lui donner un enthousiasme juvénile sans tomber dans la caricature, sans céder à la tentation du « faire jeune », au risque de ralentir le rythme de l’ensemble. Nous étions un soir de première ; cette limite pourra être surmontée, sans difficultés, au fil des représentations, le comédien ne manquant pas de ressources. Julien Duval, Carlos Martins et Bénédicte Simons sont tout à fait convainquant dans leur ronde des personnages, de l’alternance du narrateur aux fantômes à roulettes, de la princesse empêtrée du protocole à la conscience facétieuse, de l’arbre à la caverneuse profération au roi précieux et ridicule.

L’écriture n’est pas sans facilités, de même que certains enseignements distillés. La note d’intention de Catherine Marnas, intitulée « la métaphore, figure par excellence du monde de l’enfance », souligne le rôle métaphorique, sans néanmoins insister sur la forme spécifique du conte. À l’image du récit mythique, originel et fondateur, le conte exprime en lui-même, sans qu’il soit besoin de lui juxtaposer un discours, le message qu’il souhaite délivrer. Un petit excès pédagogique qui ne nuit cependant pas aux riches déploiements visuels successifs.

La scénographie de Carlos Calvo et les costumes (Édith Traverso et Kam Derbali) soutiennent harmonieusement, dans la plus pure tradition, les transcriptions contemporaines : la structure en bois d’une maison qui se fait cabane à « monstres monstrueux » (Nicolas Brin et Maxime Vasselin), les fantômes virevoltants, la belle création sonore de Madame Miniature et de Jean-Christophe Chiron… Tout concourt à faire de cette histoire un conte pour notre temps.

Pierre GELIN-MONASTIER



DISTRIBUTION

Mise en scène : Catherine Marnas
Texte : inspiré du Vaillant petit tailleur des Frères Grimm
Avec : Julien Duval, Carlos Martins, Olivier Pauls, Bénédicte Simon
Assistante à la muse en scène : Annabelle Garcia
Scénographie : Carlos Calvo
Son : Madame Miniature
assistée de Jean-Christophe Chiron
Lumières : Michel Theuil
assisté de Clarisse Bernez-Cambot Labarta
Conception et réalisation des costumes : Édith Traverso
assistée de Kam Derbali
Construction décor : Nicolas Brun et Maxime Vasselin
Régie plateau : Cyril Muller
assisté de Margot Vincent
Régie générale : François Borne

Crédits de toutes les photographies : Frédéric Desmesure

Informations pratiques
– Public : à partir de 6 ans
– Durée : 1h



OÙ VOIR LE SPECTACLE ?

Spectacle créé au théâtre national de Bordeaux en Aquitaine le mardi 21 novembre 2017.

Tournée
– Du mardi 21 novembre au samedi 2 décembre 2017 : TnBA (Bordeaux)
– 27 février 2018 : Agora de Boulazac (Périgueux)



 

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