Claude Vonin : la persévérance comme un art de survivre

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Blotti dans un vallon, au sud de Charleroi, le village de Thy-le-Château se révèle : le silence règne au moment de pousser la vieille grille rouillée, dont le grincement en appelle à la mémoire de l’enfance et aux rêveries romantiques. Un étroit passage s’ouvre sous mes pas, entre de hautes herbes et les nombreuses fleurs sauvages, exubérantes de couleur.

Claude Vonin arrive au rendez-vous, exalté, les cheveux aussi abandonnés que son jardin de broussailles. Dans un salon dépareillé, entre une photographie de la Pietà florentine de Michel-Ange, une reproduction d’un Gauguin et le linge étendu de ses quatre enfants, il commence… et ne s’arrête plus, intarissable, d’une joie communicative, de celle qui naît d’une vallée de larmes, après que la souffrance a creusé le désir de vivre intensément.

Une vie en chantier

Né en 1974 de parents musiciens, il se tourne d’abord vers le piano avant d’opter pour le violon, « un instrument plus proche de moi, avec lequel je pouvais avoir une relation charnelle » . Ses parents se séparent ; les drames se succèdent selon une fatalité méthodologique : accidents physiques de sa soeur et de son père devenu paraplégique, incendie de la maison, alcoolisme grandissant dans la famille… S’il enchaîne les premiers prix de conservatoire, à Garches, Rueil-Malmaison, Paris (avec Anne-Marie Morin) et Bruxelles (avec Jean Hervé et Andrej Siwy) il poursuit sa longue descente aux enfers pendant près de dix ans, jusqu’à une expérience mystique – « à jeun ! » – d’un amour intérieur qui le terrasse et le relève : il a vingt-quatre ans. Il peine cependant à intégrer un orchestre : dix concours, autant d’échecs. La situation est précaire, malgré quelques contrats, notamment pour des pièces de théâtre qu’il accompagne musicalement… Entre 2001 et 2005, après son mariage, il se fait maçon, menuisier, plombier et électricien, avant de se retrouver sans rien, ni concert, ni chantier.

 Plusieurs cordes à son art

Il persévère. Avec David Selmeci, il crée L’Odyssée pathétique (2008), qui propose une approche humoristique de la musique. Deux ans plus tard, il compose avec Richard Navarro une première histoire du violon, sans succès. Garçon de comptoir dans un casino entre 2011 et 2013, il persévère encore : il réécrit l’histoire du violon, de manière plus personnelle, et en propose des extraits dans les hôpitaux, pour ceux qui souffrent du cancer, grâce à Paul Groutars et son ASBL « Cerfvolant ». En avril 2012, il est prêt : l’aventure Totus Cordus s’ouvre. Il joue pendant trois mois à Chastrès, village de huit cents âmes, même quand la salle est vide : « Il fallait que je joue, pour les morts ou les anges, je ne sais pas, du moins pour me rôder et donner du sens à mon travail. »  Le lieu se remplit doucement, jusqu’à faire salle comble les derniers soirs. Touchés par la poésie de son spectacle, les frères Taloche l’intègrent à leur célèbre Festival du Rire à Liège. Il ne cesse de jouer depuis, en France, en Belgique et au Québec : « J’aime ce métier parce qu’il exige un don total. Ce spectacle représente toute ma vie : trente ans de pratique intensive du violon, décors construits par mes mains de menuisier, écriture née d’heures à étudier la musique… » Enfin, après un chant avec ses filles qu’il initie progressivement à  la scène, la grille se referme en un soupir attendu.

Pierre GELIN-MONASTIER

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