Des Poilus aux Gilets jaunes : « Tenir pour un idéal »

Des Poilus aux Gilets jaunes : « Tenir pour un idéal »
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Créée aux Herbiers début octobre devant quelque six cents personnes, De boue, les hommes entame désormais une tournée sous deux formes : une version scénique classique et une version contée, à destination des plus jeunes. L’enjeu ? « Transmettre pour ne pas oublier, dès le primaire », nous confie l’auteur, Paul de Launoy.

Plus d’une vingtaine d’établissements scolaires de Vendée ont déjà fait appel à la compagnie les Artisans Rêveurs, en décembre et janvier 2019, en attendant de prochaines dates… Dans une mise en scène de Frédéric Hamaide, Hervé Gouraud, Frédéric Hamaide et Paul de Launoy interprètent trois Poilus pris dans la tourmente de la Première Guerre mondiale.

Synopsis – Brunaud et Sapinaud n’étaient pas volontaires. Soldats malgré eux, appelés sous les drapeaux dès le début de la Der des Ders, ils découvrent la guerre et ses cruautés. Mais aussi cette amitié indéfectible qui naît souvent dans la difficulté, dans l’épreuve…

Entretien avec Paul de Launoy, dramaturge et comédien.

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Comment est née l’idée de ce spectacle ?

Approché par la ville des Herbiers en septembre 2017 pour réfléchir à une création artistique autour du centenaire de l’armistice, j’ai eu l’idée de parcourir toute la guerre depuis la mobilisation générale jusqu’au 11 novembre 1918 sans s’appesantir sur les questions politiques, mais plutôt en tentant de se rapprocher du quotidien des hommes, des soldats et surtout de leur relation avec leurs officiers. À travers le regard d’un jeune paysan parti sur le front dès le début de 14-18 et resté jusqu’à la fin, la guerre vécue au quotidien nous est racontée. Les personnages évoluent malgré eux sur le front, tantôt dans un trou d’obus, tantôt à « l’abri » dans leur cagna. Qui sont-ils ? Peu importe, trois hommes d’âges et d’origines sociales différents, contraints à cohabiter, s’entre-aider et combattre ensemble face à un ennemi commun. Ils ne sont que prétexte pour symboliser le Poilu dans tout ce qu’il a d’humain, avec ses forces et ses faiblesses, son courage et sa lâcheté, sa peur aussi et ses incompréhensions.

Vous vous inspirez de lettres authentiques, tout en revendiquant un texte original : quel fut le processus d’écriture ?

Parti d’une lettre familiale authentique, celle d’un officier mort sur le front en 1915, je me suis pris à imaginer les circonstances et l’impact sur le moral de ses hommes qu’aurait pu avoir sa fin tragique. À partir de cette première scène créée, le personnage principal existait ; il ne me restait plus qu’à trouver des anecdotes pour le faire évoluer et franchir ainsi cette douloureuse période de l’Histoire. D’autres extraits de lettres ponctuent le spectacle, celles-là inspirées ou réécrites, pour servir de jalons dans la chronologie. Beaucoup de travail « à la table » avec les comédiens a été nécessaire, afin d’éprouver le texte et le rendre le plus possible quotidien, oral. Tout en gardant une certaine intensité dramatique. Par chance, les traces écrites de cette époque sont nombreuses et extrêmement riches. Il a donc fallu faire des choix en axant sur tel ou tel aspect, parfois trop oublié, de la Der des Ders.

Au cœur de cette folie collective que fut la Première Guerre mondiale, vous inscrivez l’amitié, l’importance de la fraternité. À une époque comme la nôtre, marquée par tant de divisions internes et internationales, qu’est-ce que ces Poilus ont encore à raconter ?

Cette grande guerre a été faite par bon nombres de petits hommes qui, seuls, n’étaient rien, mais qui, rassemblés, ont pu traverser les épreuves et le temps. Il s’agit avant tout d’une histoire d’hommes, celles de nos arrière-grands-parents, nos pères, certains courageux, d’autres peureux. Cette aventure humaine peut montrer à nos contemporains un certain sens du devoir et de l’engagement, surtout dans l’adversité. Le combat parfois nécessaire pour la liberté, non pas individuelle, mais collective.

Une version contée du spectacle pour les plus jeunes est déjà programmée dans plus d’une vingtaine d’établissements scolaires : en quoi cette transmission aux plus jeunes vous paraît-elle importante ?

Transmettre pour ne pas oublier, dès le primaire. Lors des échanges avec les enfants, nous nous rendons compte que certaines informations sont confuses pour beaucoup. De quelle guerre parle-t-on ? Qui étaient nos ennemis ? Comment vivaient les gens dans les tranchées mais aussi à l’arrière ? Nous essayons de leur faire découvrir ce que nous avons pu trouver dans les témoignages et les courriers, pour leur rendre palpable et réel cet autre temps. Transmettre pour rappeler aussi cette aventure humaine, ces conditions difficiles mais nécessaires pour la cité. On pourrait penser que cela est loin et fini, mais cela nous touche. Sans doute plus parce que cela résonne dans notre quotidien aujourd’hui, année du centenaire, dans nos familles encore meurtries, dans nos villes. Combien d’hommes et de femmes, encore, ont rencontré des survivants de ce massacre et nous racontent ? Et exposent l’absurdité de certaines décisions tout en montrant que, si nous sommes là aujourd’hui, c’est grâce à ces hommes qui ont su tenir. Tenir pour un idéal, pour leurs familles et pour leurs terres : la France. Les gilets jaunes ont de qui tenir…

Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER

 



Galerie photos (crédits : ville des Herbiers)

De boue, les hommes (DR)

De boue, les hommes (DR)

De boue, les hommes (DR)

De boue, les hommes (DR)



 

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