Benoît Careil, adjoint à la culture à Rennes : « Je suis un militant écologiste convaincu de l’urgence de changer notre société »

Benoît Careil, adjoint à la culture à Rennes : « Je suis un militant écologiste convaincu de l’urgence de changer notre société »
Publicité

Ancien musicien et producteur, Benoît Careil est aujourd’hui élu adjoint à la culture à Rennes. Dans les années 1990, il a fondé et dirigé un lieu mythique des musiques actuelles : le Jardin moderne. Il est par ailleurs à l’origine de l’association Adrénaline, qui réfléchit à une meilleure gestion publique de la fête, de la nuit. Élu vert de la ville de Rennes et membre de différents commissions culturelles (FNCC, France Urbaine), il est très impliqué sur les questions de droits culturels.

Benoît Careil interviendra à Avignon, dans le Village professionnel du Off, le 15 juillet prochain (10h30-12h30), lors d’un atelier organisé par notre partenaire Opale sur le thème : la co-construction pour une meilleure rémunération des artistes à partir de l’exemple du Groupement d’Intérêt Public Cafés Cultures.

Entretien avec un élu très engagé au service des arts.

Vous êtes musicien et producteur, ancien fondateur et directeur du Jardin moderne, lieu emblématique des musiques actuelles à Rennes. En quoi toutes ces expériences influencent-elles votre action d’élu, adjoint à la culture de la métropole bretonne ?

C’est certain, mon expérience de musicien, de producteur et surtout de manager m’aide à comprendre, à analyser et sans doute à prendre de meilleures décisions dans les conditions d’accompagnement des projets et des parcours des artistes ou des acteurs culturels. J’ai vécu comme beaucoup un long et sinueux parcours d’artiste, de technicien et d’acteur culturel : se former, s’entourer des bonnes personnes, douter, renoncer, persévérer, réussir à mener au bout l’exigence de projets artistiques, convaincre des partenaires, et vivre durablement de ses compétences artistiques, je connais ce vécu personnellement et pour l’avoir côtoyé au quotidien avec la vingtaine d’artistes que j’ai managés.

L’expérience du Jardin Moderne, son élaboration collective, son projet inédit et sa mise en route (j’ai été le premier directeur puis président pendant cinq ans) m’ont permis d’expérimenter des formes de constructions collectives et alternatives d’activités qui me tenaient à cœur depuis des années : l’autogestion, l’implication des usagers eux-mêmes dans l’élaboration des projets d’activités ou les modes de gouvernance coopérative qu’on retrouve aujourd’hui dans l’économie sociale et solidaire. Mais c’est surtout la réussite de l’élaboration par un collectif spécialement créé par les acteurs locaux d’un projet qui devait répondre aux besoins de quelques milliers de musiciens et acteurs rennais des musiques actuelles qui me sert aujourd’hui en tant qu’élu. Je veux sortir des actions subventionnées portées par une seule personne, qui sont trop souvent peu durables et limitées dans leur capacité à servir la diversité des expressions artistiques. Par contre, je veux faciliter ces initiatives personnelles quand elles sont privées et ne demandent pas de subventions publiques.

Vous êtes également à l’origine de l’association Adrénaline, qui réfléchit à une meilleure gestion publique de la fête, de la nuit. Quels sont les grands enjeux liés à la vie nocturne aujourd’hui ?

La vie nocturne est aujourd’hui un temps normal d’activités humaines en milieu urbain. Les pratiques festives y sont nombreuses, de plus en plus, les collectivités prennent conscience que leur réussite impacte le bien-être et le développement humain des habitants, ainsi que la cohésion et la paix sociale de leur territoire. Les jeunes qui n’ont pas les moyens financiers de fréquenter les lieux conventionnels (bars, restaurants, lieux culturels, discothèques…), s’inventent des scénarii de fête qui obligent les pouvoirs publics à être agiles et réactifs pour adapter sans cesse leurs offres de services, leur règlementations et politiques d’intervention pour les faciliter ou les canaliser. La consommation de drogues, à commencer bien sûr par l’alcool, est associée à la pratique festive ; elle génère des prises de risque pour la santé et la sécurité des personnes. Comme l’ennui est, on le sait, le meilleur ami des drogues, l’offre culturelle, sportive ou ludique doit être omniprésente et régulièrement renouvelée pour offrir des alternatives à l’ivresse. Il faut toujours se souvenir que si on l’interdit, la fête des jeunes renaît toujours là où on l’attend le moins, et toujours loin de tout dispositif de prévention.

Jean-Michel Lucas, dans une tribune publiée sur Profession Spectacle, évoque les droits culturels comme fondement de réconciliation entre « amoureux du jour » et « monde de la nuit ». En quoi cette approche par les droits culturels vous paraît-elle pertinente ?

Plus que la référence aux droits culturels, c’est à l’ensemble des droits humains fondamentaux, dont font partie les droits culturels, auquel Jean-Michel Lucas se réfère pour suggérer une politique publique efficiente pour concilier les libertés des fêtards avec les libertés de ceux et celles qui ont besoin de tranquillité la nuit. J’ai eu l’occasion d’effectuer un travail passionnant avec Jean-Michel lors d’États généraux de la fête en 2005 que j’avais organisés avec un collectif à Rennes ; il avait synthétisé les échanges dans un cahier de doléances sur la gestion publique de la fête. Les conclusions étaient déjà les mêmes : bien connaître ce de quoi on parle (la fête est un phénomène complexe), mettre en place des espaces de dialogue, d’écoute et d’échanges pour confronter les libertés de chacun et chacune, expérimenter des solutions concertées, évaluer et recommencer pour perfectionner les solutions et s’adapter aux inévitables évolutions.

Respecter les droits culturels, c’est d’abord bien connaître ce qui est essentiel pour les personnes vivant sur un territoire à l’identification et l’expression de leur identité culturelle ; ensuite, c’est mettre en place des espaces et des temps d’interconnaissance, de dialogue et de co-construction d’un « vivre en intelligence » comme on dit à Rennes, et enfin co-construire un ensemble de règles et de biens communs, par exemple des fêtes collectives ou des garanties de tranquillité publique

Le 15 juillet prochain à Avignon, plus précisément au Village professionnel du Off, aura lieu un atelier ouvert à tous sur « la co-construction pour une meilleure rémunération des artistes à partir de l’exemple du groupement d’intérêt public Cafés Cultures ». Comment le GIP Cafés Cultures envisage-t-il cette rémunération et pourquoi constitue-t-il un exemple dans le paysage artistique contemporain ? 

L’élaboration du Fonds d’aide à l’emploi artistique dans les cafés cultures fut en soit exemplaire. C’est le fruit de deux années de négociations entre des syndicats d’artistes et de gérants d’établissements, des collectivités territoriales, deux ministères et des pôles ressources régionales dans le secteur des musiques actuelles. La démarche volontaire d’écoute, de dialogue et de négociation a abouti à la  création d’un dispositif d’intérêt général, commun à tous, qui sert à la fois des objectifs économiques pour les établissements, des objectifs d’emploi pour les artistes et des objectifs de diversité et de proximité de la vie culturelle pour les collectivités.

Ce fonds d’aide à l’emploi artistique dans les cafés culture nécessita la création d’un groupement d’intérêt public auquel adhèrent toutes les collectivités qui souhaitent utiliser ce système de redistribution. Les bars, restaurants ou hôtels (de moins de 200 places) d’un territoire peuvent ainsi solliciter un soutien du GIP en proportion des salaires versés à des artistes et techniciens pour un spectacle et dans la limite des contributions des collectivités présentes sur le territoire (la ville de Rennes verse ainsi 15 000 € par an au GIP qui bénéficient à une quinzaine de bars rennais qui accueillent des spectacles).

Le dispositif est simple d’usage pour les établissements, le versement de l’aide est rapide, il est précédé d’une validation par le GUSO qui informe le GIP dès que les cotisations lui ont été versées. Les collectivités peuvent ajuster leurs contributions en fonction de la consommation de la provision disponible par les établissements de son territoire.

Ce partenariat public-privé entre collectivités et établissements de vie nocturne ouvre enfin la voie à des relations plus durables entre des partenaires qui se regardaient souvent avec beaucoup de défiance. D’autres problématiques peuvent ainsi être débattues lors des comités d’animation territoriaux du dispositif (tranquillité, propreté, prévention, offre culturelle…).

Plus généralement, quelle vision des politiques culturelles essayez-vous de mettre en pratique dans la ville de Rennes ?

Je suis un militant écologiste chaque jour plus convaincu de l’urgence de changer notre société. J’ai deux référentiels pour guider mes choix de politique culturelle : la Déclaration des droits humains, incluant bien sûr les droits culturels tels qu’ils sont définis par la Déclaration de Fribourg, et le référentiel du développement durable avec l’interdépendance et l’indivisibilité de ses trois piliers : le social, l’environnement et l’économie. J’ai consacré ma vie à la création, la diffusion et la transmission  artistique, j’ai donc de bons repères dans ce domaine, pour le reste c’est une histoire d’intelligence collective et d’adaptation aux spécificités de chaque territoire et population. Concernant Rennes, je vous invite à lire les documents issus des États généraux de la culture disponibles sur le site de la ville, tout y est.

Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER

.



Photographie de Une – Portrait de Benoît Careil dessiné par Nadège Noisette



 

Publicité

1 commentaire

  1. Houuuuuuuuu ! C’est Nul !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Huuuuuooooooooouuuuuuuuu la culture rennaise est nullleeeeee !!!!!!! Houuuuuu !!!!! Quel ennui !

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *