L’indemnisation du chômage pour les artistes au Maroc

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Le statut juridique de l’artiste au Maroc a été modernisé par une loi de 2016. Très prometteuse sur le papier, elle n’est suivie que de peu de changements concrets dans les faits. Explications.
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Le régime de l’intermittence est, on le sait, une exception française. Mais qu’en est-il dans les autres pays ? Nous vous proposons un petit tour à l’international au fil des semaines. Aujourd’hui : le Maroc.


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Le statut juridique de l’artiste au Maroc a été modernisé par la loi n° 68-16 du 19 septembre 2016 relative à l’artiste et aux métiers artistiques. Un des objectifs de cette réforme est d’améliorer l’accès des professionnels du spectacle à la protection sociale prévue par le Code du travail marocain et par les dispositions de la loi n° 1-72-184 du 27 juillet 1972 relative au régime de sécurité sociale. Cette réforme doit permettre aux artistes mais aussi à tous les autres intervenants du secteur, qu’ils soient techniciens, administrateurs ou autres, d’accéder aux prestations sociales et ainsi de contribuer à faire diminuer la précarité à laquelle la plupart sont confrontés, dixit l’UNESCO qui commentait la loi lors de son adoption.

En juin 2020, le magazine en ligne Scènes critiques, sous la plume de Baker Saddiki, indiquait que l’atteinte de ces objectifs se faisait attendre. En cause, d’une part, la loi du 19 septembre 2016 a mis en place des cartes professionnelles à destination des professionnels des métiers artistiques, des techniciens et des administrateurs. Or, la lenteur de la distribution des cartes professionnelles aux acteurs du secteur par le ministère de tutelle ralentit l’identification des bénéficiaires. D’autre part, la mutuelle dédiée au secteur souffre de problèmes structurels de gestion et il n’existe aucune structure d’accompagnement pour la liquidation de la retraite.

Vous l’aurez compris à l’évocation des prestations en cause, santé et retraite, c’est là que le bât blesse pour les professionnels du monde du spectacle. Car, comme partout dans le monde hormis en France, voire en Belgique, il n’existe pas au Maroc de régime dérogatoire au droit commun pour les artistes et techniciens du spectacle concernant l’indemnisation du chômage. Ils doivent entrer dans les conditions générales d’accès à l’allocation chômage.

Pourtant, le royaume du Maroc a conscience de la difficulté pour ces hommes et ces femmes de vivre de leur métier artistique. La loi du 19 septembre 2016 relative à l’artiste et aux métiers artistiques énumère ainsi, en son article premier, différents statuts professionnels de l’artiste, déterminés notamment en fonction du mode de rémunération. Si on y trouve bien l’artiste salarié dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée, lequel est celui qui aura le moins de mal à entrer dans le cadre de l’assurance chômage en cas de besoin, on y trouve aussi l’artiste « exerçant de manière intermittente une activité artistique qui constitue la source de son revenu principal en vertu de contrats de travail à durée déterminée ». La loi appréhende la réalité économique dans sa globalité puisqu’existe aussi « l’artiste travaillant pour son propre compte : toute personne physique travaillant pour son propre compte et assujetti à la taxe professionnelle ou qui exerce dans le cadre d’une auto-entreprise ». Faut-il préciser que ces travailleurs non-salariés ne peuvent bénéficier de l’assurance chômage ?

Pour les autres, à la suite d’une perte involontaire d’emploi, ils peuvent bénéficier durant six mois d’une indemnité s’ils ont cumulé 780 jours de cotisations salariales pendant les trente-six derniers mois précédant la date de perte d’emploi, dont 260 jours durant les douze mois précédant la perte d’emploi. Le montant mensuel de l’indemnité est égal à 70 % du salaire de référence, à savoir le salaire mensuel moyen des trente-six derniers mois, sans pouvoir dépasser le montant mensuel du salaire minimum légal marocain.

Sauf à avoir enchaîner les emplois de manière conséquente, les travailleurs du monde du spectacle risque de rester sur le pas de la porte de l’indemnisation du chômage.

Julien MONNIER

Avocat au Barreau de Nantes

Retrouvez notre série sur l’indemnisation du chômage dans le monde :
1/ en Belgique
2/ en Italie
3/ en Allemagne et en Autriche
4/ au Royaume-Uni et en Irlande
5/ en Finlande, Suède et Norvège

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