STiMBRE explore la mémoire des friches abandonnées de Nouvelle-Aquitaine

STiMBRE explore la mémoire des friches abandonnées de Nouvelle-Aquitaine
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Si les ruines n’ont cessé, depuis l’Antiquité, d’inspirer les poètes et artistes, que peuvent exprimer les grandes friches industrielles de notre époque contemporaine ? Quel son pour la tôle ? Quelle écriture explorer dans le silence du métal ? Tel est l’audacieux pari du collectif STiMBRE avec Mémoires en friche, une immersion prolongée dans une douzaine de friches de Nouvelle-Aquitaine.

Le chant des pierres

Entendons-nous le chant des vieilles pierres, dressées contre le vent, le temps et les ravages des hommes ? Il remplit pourtant notre monde. Nous en percevons encore les échos lorsque, frêles épaves d’une lumière passée, ces blocs ancestraux disparaissent peu à peu dans les sables mouvants de vagues destructrices telles que l’islamisme. Il nous reste des noms, que nous égrenons comme les fragments d’une prière devenue muette : Nimroud, Hatra, Palmyre…

Ces destructions sont un appel à chérir notre mémoire de roche fissurée. Nous le désirons intiment parce que ces carcasses de l’histoire sont notre identité, notre enracinement, la preuve que l’être humain est pétri d’humanité. C’est que ces vestiges de tant de jours sont à la fois immensément vulnérables et immensément invincibles.

Il y a les ruines mélancoliques de l’abbaye Notre-Dame d’Ourscamp et celles majestueuses de l’abbaye de Jumièges, rêvées par Umberto Eco. Il y a encore toutes ces ruines peintes au XVIIIe siècle par Hubert Robert, pour mieux en exalter le délabrement réel ou imaginaire. Il y a les ruines des romantiques, chantées par Chateaubriand qui les assimilait au Génie du christianisme : « Les ruines sont plus pittoresques que le monument frais et entier. Les ruines permettent d’ajourer les parois et de lancer au loin le regard vers les nues, les montagnes. »

Une mémoire en attente d’enfantement artistique

Mais que dire des larges espaces, gigantesques et écrasants, faits de tôles et de cuivre, de métal et de silence, qui jalonnent l’histoire contemporaine ? Ces friches n’ont pas le naturel de la pierre ni la fragilité du bois – que l’on pense à la charpente de Notre-Dame de Paris ! Elles sont des alliages de fer et d’acier, des tentatives d’alliances entre l’être humain et la communauté laborieuse.

Elles n’ont que quelques décennies d’histoire, un siècle ou un siècle et demi tout au plus. Elles sont les enfants mort-nés de l’industrialisation forcenée, les cadavres expédiés d’un libéralisme agressif et – aujourd’hui – amnésique. Elles sont le symbole fragile et pourtant toujours présent de vies broyées par une économie laissée à elle-même.

Elles ont une histoire nichée en leur sein, périssable et mouvante, en attente d’une expression autre que les analyses des experts et universitaires de tous horizons. Ces friches sont en attente d’un enfantement artistique, d’une parole qui exprime l’humanité scellée dans chacune des plaques laminées, écrasées par l’effort et le temps. Ce sont des « mémoires en friche », pour reprendre la belle expression du collectif STiMBRE.

Ce collectif – composé de Jo Stimbre, Gaëlle Chalton, Bruno Corsini, Julien Perraudeau, Raphaël Allain et Nicolas Kieffer – explore des sites industriels de Nouvelle-Aquitaine tombés en désuétude, s’y installant pour colliger la matière visuelle et sonore afin de créer une « chanson-tableau » inspirée de chaque lieu. « J’ai une passion pour les machines, pour tous les sons industriels et pour le travail sur l’ombre et la lumière, explique Jo Stimbre, auteur-compositeur-interprète, qui allie électro et poésie. Les friches industrielles sont des lieux magnifiques pour toutes ces raisons. Elles représentent une série de possibles : ces lieux abandonnés peuvent aspirer à un renouveau, à de nouvelles vies. »

Une incursion visuelle, sonore et mémorielle

À chaque fois qu’une nouvelle friche est explorée, Gaëlle Chalton cherche à saisir sa matière visuelle (vidéos et photographies), qu’elle transmet ensuite au scénographe et créateur lumières Bruno Corsini ; Julien Perraudeau, musicien et ingénieur du son diplômé du CNSM de Paris, « récupère l’empreinte acoustique de l’endroit », tandis que Jo Stimbre privilégie le récit et l’écriture : des personnes ayant travaillé dans les lieux sont invitées, afin que la chair affleure les surfaces métalliques. « Il y a beaucoup d’histoires autour de ces endroits, poursuit Jo Stimbre. Il y a donc un travail esthétique, mais aussi une recherche thématique autour de l’histoire de ces lieux, voire des personnes qui les ont traversés, et de leur possible renaissance. »

Pour le collectif STiMBRE, ce qui est en germe importe autant que les échos du passé, afin de tirer un fil qui relie le passé, le présent et l’avenir. « Nous ne souhaitons pas seulement faire un inventaire d’un monde qui s’écroule, mais dévoiler ce qui se vit dans chaque lieu, y compris dans le présent – c’est le principe même des squats – et ce qui pourrait advenir. »

Chaque incursion visuelle, sonore et mémorielle conduit à la création d’une chanson-tableau qui restitue artistiquement l’esprit d’un lieu, en vue d’un album et d’un spectacle. « Ce sont des formats chansons, avec couplets et refrains, confirme Jo Stimbre, même s’il y aura quelques courts textes dits, informatifs ou explicatifs. On peut donc morceler cette œuvre sur un album, en douze pistes. Cependant, pour le spectacle, les enchaînements seront autant sonores que visuels, afin de créer une œuvre globale. C’est pourquoi on parle de chanson-tableau. »

Le spectacle devrait être créé – si la pandémie n’entraîne pas de report – du 13 au 24 juillet 2020 au Rocher de Palmer, avant une tournée dans tous les lieux partenaires de Nouvelle-Aquitaine, puisque chaque friche est visitée en lien avec des lieux culturels : la scène nationale d’Aubusson, la Sirène à La Rochelle, le théâtre de Gascogne à Mont-de-Marsan, la scène de musiques actuelles Rocksane à Bergerac ou encore l’I.Boat à Bordeaux.

Pierre GELIN-MONASTIER

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En savoir plus sur le projet : Mémoires en friches

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Dates de tournée (sous réserve de l’évolution de la pandémie)
– 19 septembre 2020 : Oradour sur Veyres (87)
– 26 septembre 2020 : Rocher de Palmer à Bordeaux
– 13 octobre 2020 : Scène Nationale d’Aubusson
– 7 novembre 2020 : le Rocksane à Bergerac
– 15 janvier 2021 : Théâtre du Péglé à Mont de Marsan (deux concerts, après midi et soirée)
– Avril 2021 : la Sirène à La Rochelle

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Crédits photographiques : DR



 

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