Petits et grands papiers (suite)

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Critique dramatique et rédacteur en chef des Lettres Françaises, directeur de la publication et rédacteur en chef de Frictions, Jean-Pierre Han est une des plumes incontestées du monde théâtral, privilégiant une approche essentiellement politique. « Vagabondage théâtral » est sa chronique mensuelle pour les lecteurs de Profession Spectacle.

« Vagabondage théâtral »

On a beaucoup glosé – à fort juste titre – sur les plaquettes de saison qui viennent régulièrement encombrer nos boîtes à lettres dès la fin mai (!) annonçant des spectacles qui, dans le meilleur des cas, seront présentés quatre mois plus tard. Un écart sans doute jugé trop faible, la tendance étant d’avertir les spectateurs potentiels de plus en plus tôt, afin qu’ils puissent prendre leurs dispositions quant à un éventuel achat de place ou mieux à un abonnement « maison ». À ce train nous aurons bientôt le programme des réjouissances futures des théâtres et autres institutions quasiment un an à l’avance. Du coup on comprend aisément le désarroi des équipes théâtrales qui proposent leurs productions et se voient répondre que tout est déjà bouclé depuis longtemps…

Les DA (directeurs artistiques) et autres maquettistes s’en donnent à cœur joie et la diversité des propositions concernant les programmes de saison est infinie. Il y a de tout, dans les formats les plus fantaisistes, et on finit par se demander quelle est l’utilité de ces publications, sachant qu’un bon nombre d’entre elles sont parfaitement illisibles. Le plus terrible c’est que ces plaquettes plus ou moins hideuses et parfois peu maniables sont à quelques exceptions près d’un luxe inconsidéré : quel est le budget qui leur est alloué ?… Que ne ferait-on pas pour la « com », n’est-ce pas ? Quant à savoir quel est leur degré d’efficacité, c’est un autre problème… Face à ce déluge « artistique » (voyez la plaquette du CDN de la Criée à Marseille réalisé par Macha Makeïeff), certains ont décidé de mettre un terme à cette gabegie, d’aller à contre-courant en faisant des économies tout en continuant à informer le mieux du monde leurs publics respectifs et leurs futurs adhérents. C’est le cas du Théâtre de l’Union, CDN du Limousin, c’est le cas aussi du Théâtre national de Toulouse avec son tout nouveau directeur Galin Stoiev. Comme quoi une seule double page (couleur quand même) ou une modeste présentation sur du papier recyclé suffisent. À plus ou moins longue échéance, cela pourrait même devenir les modèles à la mode…

Question luxe, les ouvrages d’adieu des directeurs qui quittent, bon gré mal gré, l’établissement qu’ils dirigeaient ne le cèdent en rien, bien au contraire. Pourra-t-on m’expliquer pourquoi ces messieurs-dames se sentent obligés de revenir sur leurs années de direction – toujours merveilleuses, ça va de soi. Un dernier geste, plutôt coûteux si on voit le résultat. Une sorte d’auto glorification en somme qui marque bien la difficulté de passer la main. Les éditeurs de ce genre d’ouvrages devraient offrir en prime un mouchoir pour que le lecteur puisse verser quelques larmes sur l’excellence passée. C’est pour les archives, nous dit-on, alors que dans le même temps les vraies archives, elles, ne sont guère traitées dans les mêmes théâtres quand elles n’ont pas tout simplement été mises à la poubelle… Mais tout cela, bien sûr, est une question de point de vue, n’est-ce pas ?

Jean-Pierre HAN

Retrouvez tous les vagabondages de Jean-Pierre Han :

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