17 février 1859 : la censure contre Verdi n’avance pas masquée

17 février 1859 : la censure contre Verdi n’avance pas masquée
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Instant classique – 17 février 1859… 159 ans jour pour jour. En 1857, Giuseppe Verdi négocie avec le San Carlo de Naples pour y présenter un Roi Lear, dont il avait confié le livret à Antonio Somma. Mais le compositeur n’arrive pas à y mettre une note dessus. Il finit par prétexter de ne pas avoir la distribution qu’il lui faut pour repousser toujours plus le projet. En attendant, il lui faut bien trouver autre chose. On lui propose alors « Gustave III, roi de Suède »…

L’histoire raconte l’assassinat de ce dernier au cours d’un bal masqué et dont Daniel-François-Esprit Auber avec déjà fait un opéra en 1833. Somma se remet au travail et termine le livret en 3 mois.

De censures en (gros) coups de ciseaux

Mais voilà, la censure du très autoritaire roi de Naples sort les gros ciseaux :

  • on ne saurait montrer l’assassinat d’un roi sur scène (au cas où ça donnerait des idées), alors le roi doit devenir duc ;
  • comme il y a une scène de sorcellerie, il faut que l’action ait lieu avant l’ère chrétienne ;
  • dans le Nord, mais sans dire où ;
  • avec une histoire d’amour platonique et sans arme à feu…

Quelques jours plus tard, l’attentat d’Orsini contre Napoléon III rend les cours européennes fébriles. La censure accroît encore ses exigences. Verdi ne décolère pas.

« Je vous ai déjà dit, écrit-il au directeur du San Carlo, que je ne saurais accomplir le genre de monstruosités qu’on a fait subir ici à Rigoletto et que j’ai dû supporter, faute de pouvoir les empêcher. […] Dans le domaine artistique, j’ai des idées, des convictions profondes qui me sont propres et auxquelles je ne peux ni ne veux renoncer ».

Verdi rompt à l’amiable avec le théâtre, en cherche un autre et choisit l’Apollo de Rome, où avait triomphé Le Trouvère quelques années plus tôt. La censure papale accepte le sujet (du moment qu’on tue un roi ou un duc, on ne s’occupe pas du pape…), mais exige que l’action ait lieu hors d’Europe, en Amérique, et que le duc devienne comte de Warwick entre autres derniers coups de ciseaux.

Enfin, l’œuvre – Un ballo in maschera (« un bal masqué ») – est créée le 17 février 1859.

Avec une musique superbe qui en fait l’un de ses grands chefs-d’œuvre, Giuseppe Verdi remporte un triomphe avec ce Bal masqué, nom définitif donné à un opéra qui aura été bien malmené. Rappelé sur scène plus de vingt fois, le compositeur est ramené jusque-là où il résidait à la lumière des torches ; on vient l’acclamer sous ses fenêtres.

Aujourd’hui encore, si vous passez par Rome, une plaque au coin de la Via del Campo Marzio, au croisement de la Via degli Uffici del Vicario, témoigne de ces journées fiévreuses.

Ici, sous la direction de Claudio Abbado et dans une production qui a fait date (mais qui a mal vieilli) à Vienne il y a 30 ans, la scène où Oscar (Magda Nador) porte les invitations de son maître Riccardo (Luciano Pavarotti), juste après le fameux tirage au sort qui a désigné Renato (Piero Cappuccilli), au grand dam de sa femme Amelia (Gabriele Lechner).

Résumé

L’action se déroule finalement à Boston, à la fin de XVIIe siècle. Riccardo, gouverneur de Boston et comte de Warwick, prépare un bal masqué et rêve à la femme qu’il aime, Amelia, qui se trouve être l’épouse de son très fidèle bras droit Renato.

Déguisé, il veut aller interroger la devineresse vaudoue Ulrica et découvre qu’Amelia a fait de même pour demander à la sorcière de la libérer du tourment qu’elle éprouve, elle aussi, pour Riccardo. Ulrica prédit à Riccardo une mort prochaine par le premier à qui il serrera la main. Arrive Renato, qui le suit de près car les conspirateurs abondent ; il serre la main de Riccardo, qui peut ainsi railler la sorcière : comment pourrait-il être assassiné par son plus fidèle ami ?

La nuit, dans un terrain vague, Riccardo rejoint secrètement Amelia. Ils s’avouent leur amour réciproque, mais Renato survient encore (Amelia a juste le temps de voiler son visage) pour le prévenir que les conspirateurs approchent pour le tuer. Riccardo fuit en confiant Amelia à Renato et en exigeant qu’il ne cherche pas à découvrir qui elle est.

Les conspirateurs arrivent et cherchent des noises à Renato, prêt à sacrifier sa vie pour protéger la femme qui était avec le comte. Mais dans la confusion, Amelia fait tomber son voile ; tout le monde la reconnaît, à la stupeur générale. Les conspirateurs se moquent de Renato et s’éloignent. Le bras droit de Riccardo est fou de rage. Après avoir hésité à tuer sa propre femme, il décide de rejoindre les conspirateurs pour se venger de l’ingrat Riccardo et leur propose de tuer le gouverneur. Il fait tirer au sort à sa propre femme, terrifiée, le nom de celui qui exécutera le meurtre, et c’est celui de Renato qui est choisi.

Le jeune page Oscar, rayon de soleil de toute la partition, vient porter les invitations au bal. Renato oblige sa femme à y aller, tandis que celle-ci cherche à prévenir Riccardo de ce qui l’attend. Riccardo, juste avant le bal, se résout à signer l’ordre de retour en Angleterre de Renato et d’Amelia, seul moyen, pense-t-il, d’oublier son amour et de rester fidèle à son bras droit. Oscar essaie de le dissuader d’aller au bal, en vain.

Parmi les masques, Amelia le reconnaît, essaie de le prévenir, mais Riccardo lui explique qu’elle et Renato vont partir et qu’il n’y a rien à craindre. Trop tard ! Renato a reconnu le gouverneur et le poignarde. Riccardo jure qu’il a respecté Amelia avant de pardonner à tous et de mourir.

Cédric MANUEL



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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



Photographie de Une – Un ballo in maschera, opéra de Giuseppe Verdi, dir. Antonio Pirolli à Salerne
(crédits Pasquale Stanzione)



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