23 avril 1920 : 101 ans de voyages lunaires

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23 avril 1920… 101 ans jour pour jour – À partir des romans du grand poète tchèque Svatopluck Čech, Leoš Janáček compose une œuvre exigeante en deux parties et quatre actes, qui prend plusieurs années. La création de cette partition pleine d’audaces stylistiques est un véritable parcours du combattant.

Dans les années 1880, Leoš Janáček a fondé chez lui, à Brno, une revue musicale, Hudební Listy, le « Journal de la musique », où il présente ses conceptions artistiques, souvent anti-wagnériennes et polémiques, mais très suivies. Il y publie également des textes contemporains qu’il juge remarquables. Il en est ainsi du roman de Svatopluck Čech, grand poète tchèque de huit ans l’aîné du compositeur, La véritable excursion de M. Brouček sur la lune. Tout un programme paru en 1888 et qui rencontre un vif succès, si bien que Čech publiera peu après une suite, La véritable excursion de M. Brouček au XVe siècle, puis encore d’autres. À la mort de Čech, en février 1908, Janáček se souvient de ces œuvres loufoques et songe à un nouvel opéra à partir de la substance des deux premiers. Même s’il est habitué à rédiger ses livrets lui-même, parfois avec l’aide d’un ou d’une comparse, il va engager pas moins de neuf librettistes pour essayer d’adapter les deux romans de Čech. Mécontent du résultat, il finira le premier livret seul.

La composition de ses Voyages de M. Brouček, en deux parties et quatre actes, prendra plusieurs années. Il finit l’essentiel de la première partie (le voyage dans la lune) en 1913 et décide de poursuivre son travail grâce au succès de Jenufa. En 1917, il complète cette première partie par la seconde, fondée sur le deuxième roman de la série (le voyage au XVe siècle) dont le livret est confié à F. Procházka. La totalité de la partition est achevée en 1918 et dédiée au premier président de la toute nouvelle Tchécoslovaquie, Tomás Masaryk.

Janáček réussit à convaincre le directeur du Théâtre national de Prague, qui avait apprécié Jenufa, à monter cette partition exigeante. Mais ce sera pour le compositeur un vrai parcours du combattant, jusqu’à la création. Janáček devra modifier plusieurs passages de sa partition pour complaire aux chanteurs, assez hostiles à ses audaces stylistiques. Le public ne lui fera pas une meilleure fête et l’œuvre tombera peu à peu dans un quasi-oubli.

Il serait un peu long de vous faire un résumé de ces quatre parties étranges et pleines de symboles. M. Brouček, petit bourgeois ivrogne, pilier de la taverne Vikárka, est un personnage assez grotesque, lâche et ridicule qui rêve à de drôles d’aventures avant de se réveiller, piteux, la tête plongée dans un tonneau. Dans la partition, Janáček continue d’expérimenter son style orchestral, particulièrement riche dans les deux premiers actes notamment. Mais l’échec que subit l’ouvrage sera bientôt oublié : Janáček pense déjà à la suite et ce sera Katia Kabanová.

Les voyages de M. Brouček ont été peu enregistrés, mais il en existe quelques témoignages d’excellente tenue, comme celui dirigé par Jiri Bělohlávek il y a une dizaine d’années. En voici un extrait de la première partie, celle de la lune, où l’on peut notamment admirer la science orchestrale du compositeur.

Cédric MANUEL

 



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Rubrique : éphéméride



 

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