4 avril 1859 : Giacomo chez les Bretons

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Instant classique – 4 avril 1859… 162 ans jour pour jour. Meyerbeer compose le dernier de ses opéras qu’il entendra de son vivant, inspiré par des contes bretons d’Émile Souvestre, où il est évidemment question de Pardon.

Le triomphe de l’Étoile du Nord de Giacomo Meyerbeer, début 1854, avait donné des ailes au patron de l’Opéra-Comique. On avait cru le compositeur germano-italo-français (un peu) passé de mode, d’autant qu’il était depuis quelques années retourné à Berlin, sa ville natale, où il passait désormais le plus clair de son temps. Mais il n’en était rien, la mine recelait encore quelques filons qu’Émile Perrin, le directeur de l’Opéra-Comique, avait bien l’intention d’exploiter.

En cette même année 1854, il demande donc au compositeur, qui a alors soixante-trois ans, de lui écrire une nouvelle œuvre. À cette fin, les duettistes bien connus Jules Barbier et Michel Carré ont concocté un petit livret en un acte et trois personnages. Passée la crise avec Eugène Scribe, habituel librettiste de Meyerbeer – y compris de l’Étoile du Nord – furieux de n’avoir pas été choisi pour cette nouvelle aventure, le compositeur s’emploie à transformer l’opéra de poche qu’on lui propose en œuvre aux dimensions plus dignes de sa production. Il rédige donc lui-même les deux actes ajoutés au socle de Barbier et Carré.

Ces derniers ont été inspirés de deux contes bretons d’Émile Souvestre, écrivain originaire de Morlaix et mort, précisément, cette même année 1854. Ces deux contes, La chasse aux trésors et la Kacouss de l’armor, ont une trame qui ne justifie pas a priori un grand spectacle de près de trois heures. Le premier conte évoque un trésor maudit et le second décrit l’amour de Dinorah, une jeune paysanne bretonne, pour un vilain bandit. Le mélange arrangé de ces deux contes situe l’action à Ploërmel, au moment de la fête de la Vierge Marie, appelée Pardon de Ploërmel, qui donnera son nom à l’opéra.

On retrouve Dinorah, jeune femme à l’esprit égaré, qui recherche Bellah, la petite chèvre qu’elle garde. Elle rêve d’épouser Hoël, qui, lui, rêve de retrouver le trésor des lutins pour l’offrir à sa jeune fiancée. Le jour de leur mariage, la foudre avait détruit leur maison et Hoël avait planté là Dinorah pour se mettre en quête du trésor pour lequel, selon la légende, il devait quitter le monde des humains pendant un an… Petit problème, la même légende affirme que le premier qui touchera le trésor sera frappé de mort. Ça tombe bien, Hoël trouve un jeune naïf assez pleutre, Corentin, qu’il verrait bien mettre la première main sur le butin. Promettant de partager le trésor avec Corentin, Hoël se met en quête de ce dernier avec son compagnon un peu naïf, tous deux guidés par la mystérieuse clochette de la chèvre Bellah, celle que cherche Dinorah, qu’on entend mais qu’on ne voit jamais et dont Hoël pense qu’elle est le signal pour le guider vers le trésor. La raison de Dinorah s’est égarée après le départ d’Hoël le jour de leur mariage. Tout le monde ne parle que de ça à Ploërmel. Elle le cherche et le confond avec sa propre « ombre légère », tube de la partition, mais ne le reconnaît pas lorsqu’elle le revoit. Hoël continue obstinément de se guider au son de la clochette de Bellah la chèvre. À ce ce même son, Dinorah accourt et tombe dans un ravin. Hoël la sauve mais elle est très gravement blessée. En se réveillant, elle entend les chants religieux du pardon et se croit à nouveau à son mariage, tandis qu’Hoël comprend qu’il a trouvé le trésor qu’il cherchait.

Comme d’habitude, monter l’opéra prendra beaucoup de temps, selon l’usuel parcours semé d’embûches, de rivalités et d’incidents. La première est cependant un très grand succès, malgré le livret, sévèrement jugé par la critique. Pour Meyerbeer, qui ne le sait pas encore, il s’agit du dernier de ses opéras qu’il entendra de son vivant.

La partition poursuivra une belle carrière mondiale jusqu’au début du siècle suivant, avant de disparaître pour longtemps. Seul le fameux air « Ombre légère » restera à l’affiche de presque tous les récitals donnés par les grands soprani coloraturi. Plusieurs enregistrements récents lui ont redonné vie, comme celui de l’indispensable label Opera Rara, dont voici un extrait. Non, ce n’est pas l’Ombre légère, mais le finale de l’acte II, qui rappelle ici ou là l’ambiance du Freischütz.

Cédric MANUEL

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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 

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