8 mars 1869 : Hector est mort

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Instant classique – 8 mars 1869… 152 ans jour pour jour. Être complexe au caractère très difficile, Hector Berlioz meurt à Paris, après un long crépuscule. Lui qui a entretenu la légende du génie maudit et incompris, conformément à l’idéal du romantisme français, quitte un monde qui le reconnaît et le célèbre comme le grand compositeur qu’il est.

Au petit matin du lundi 8 mars 1869, au 4 rue de Calais, dans l’actuel IXe arrondissement, Hector Berlioz vit ses dernières heures. Il est au bout d’un long crépuscule, commencé plusieurs années auparavant, depuis la mort de sa seconde femme, Marie Recio. Lui qui avait tout de même un peu entretenu la légende du génie maudit et incompris, conforme à l’icône du romantisme français dont il était devenu le symbole musical, il est à la fin de sa vie tout à fait reconnu même si tout le monde – en particulier en France – n’aime pas sa musique.

Le long crépuscule était en fait intérieur. Berlioz avait pris congé de lui-même en quelque sorte. Malgré les honneurs des dernières années, cet être complexe, au caractère très difficile, n’avait plus goût à rien. La mort de Marie Recio avait permis le rapprochement de Berlioz et de son fils Louis, qu’il avait eu avec Harriet Smithson – l’amour foudroyant qui avait inspiré la symphonie fantastique, et qui était devenu un ménage douloureux – et qui n’avait pas pardonné à son père le remariage avec une femme qu’il n’aimait pas. Hector et Louis, aussi insatiable et insatisfait que son père, s’étaient rapprochés enfin. Mais Louis est un voyageur, un marin. Il commande un navire de la Compagnie générale transatlantique et contracte la fièvre jaune. Il meurt à Cuba en 1867, à trente-trois ans. Lorsque Berlioz l’apprend, le choc est terrible. « C’était à moi de mourir, dit-il, à moi… »

Un voyage triomphal en Russie à l’invitation de la grande-duchesse Hélène le distrait un peu et l’envie de soleil le reprend, lui qui aimait profondément Nice. Il y part en mars 1868, mais fait une violente chute dans les rochers à Monaco, dont il a le plus grand mal à se remettre. Dès lors, il reste le plus clair de son temps couché, ne mange quasiment plus rien. A l’été 1868, il fait un dernier voyage à Grenoble, sa ville quasi-natale, où il est fêté comme un roi. De retour à Paris, exténué, il écrit à Stassov : « Je n’en puis plus. Je sens que je vais mourir ; je ne crois plus à rien... » Il s’enferme chez lui, ne sort le samedi que pour signer la feuille de présence à l’Institut, commence à perdre la mémoire. Son corps le lâche enfin et il meurt peu après midi voici cent cinquante-deux ans, entouré seulement de sa belle-mère et de quatre amies de celles-ci.

Il a droit à des obsèques solennelles à l’église de la Trinité (Paris). Les chœurs et l’orchestre de l’Opéra et l’orchestre Pasdeloup jouent le Requiem en ré de Cherubini – avec qui il avait eu des relations si orageuses – le Lacrimosa du Requiem de Mozart, la marche d’Alceste de Gluck – que Berlioz aimait tant – le septuor de ses Troyens et son propre Hostias du gigantesque Requiem. Au cimetière de Montmartre, les discours se succèdent dont celui d’un certain Elwart, du Conservatoire. Clin d’œil amusant, Berlioz avait dit un jour à ce dernier : « Si tu dois faire un discours, j’aime mieux ne pas mourir »…

Un débat typiquement microcosmique a agité le monde de la musique voici deux ans, pour les cent cinquante ans : faut-il porter Berlioz au Panthéon, où il n’y a aucun musicien, à part Rousseau (qui n’y est certes pas pour ça !) ? Et pourquoi donc ? Et pourquoi pas Ravel, Debussy, Saint-Saëns ou Fauré ? Ce sont des débats inutiles. La gloire de Berlioz est dans sa musique. Il est déjà au seul Panthéon qu’il voulait vraiment : la reconnaissance.

Parmi les idées un peu reçues sur Berlioz figure en bonne place celle du gigantisme boum-boumesque de ses compositions. Quatre cent quarante exécutants pour son Requiem, des orchestres monstres, des percussions doublées, il est vrai que cela accrédite ce sentiment de grandeur pompière. Mais là encore, on fait fausse route. Berlioz, qui aimait la finesse de Gluck et qui, à longueur de critiques dans les neuf cents articles qu’il a écrits (c’est d’ailleurs un grand écrivain), dénonçait l’utilisation de la grosse caisse à tout va, était un compositeur beaucoup plus raffiné que ce à quoi l’image d’Épinal (et parfois les caricatures) le réduisent.

Un exemple ? Ce petit trio béni des dieux dans l’Enfance du Christ, oratorio très méconnu, intimiste, totalement étranger au gigantisme d’autres partitions, et d’une beauté de tous les instants.

Cédric MANUEL

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Crédits photographiques : Pierre Petit

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Rubrique : « Le saviez-vous ? »



 

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