ESS & Culture (10) – Emmanuelle Wattier et l’Amicale de Production : une coopérative pour assumer le côté entrepreneurial

ESS & Culture (10) – Emmanuelle Wattier et l’Amicale de Production : une coopérative pour assumer le côté entrepreneurial
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Titulaire d’un master en sciences politiques et gouvernement, Emmanuelle Wattier travaille, à partir de 2007, en tant que consultante pour la coopérative Multicité. Elle est aujourd’hui directrice de l’Amicale de Production, coopérative de projets basée à Lille, qui mutualise des moyens (production, administration, diffusion, logistique) pour éditer des formes transversales, entre spectacle vivant et arts visuels.

Le 14 novembre dernier, le Labo de l’ESS organisait une première rencontre publique autour des questions culturelles. Près d’une dizaine d’intervenants – universitaires, acteurs locaux, conseillers culturels – se sont succédé tout au long de l’après-midi, pour apporter leur éclairage propre à cette problématique spécifique. Profession Spectacle s’en fait l’écho, sans (encore) commenter, par la publication d’une série de retranscriptions des différentes interventions.

[Extraits de son intervention]

L’Amicale de Production est une plate-forme coopérative de projets vivants : nous créons et produisons des spectacles, qui vont de la pièce de plateau à la performance solo et aux installations. Notre métier est de produire et édifier des œuvres pluridisciplinaires.

De l’association loi 1901 à la SCIC

L’Amicale a été créée en 2010 par cinq personnes – trois artistes et deux producteurs administrateurs – convaincues que la structure influe sur la création, la production et l’œuvre produite. Elles désiraient sortir du modèle classique de la compagnie de spectacle vivant, sans pour autant créer un bureau de production. La coopérative de projets vivants est apparue comme la solution intermédiaire, qui leur ressemblait.

Créée à l’origine avec le statut d’association loi 1901, avec des réflexes coopératifs, l’Amicale est actuellement en cours de transformation pour devenir, le 1er janvier prochain, une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).

Aujourd’hui, nous sommes entre 870 000 et 960 000 euros de chiffre d’affaires. L’Amicale s’autofinance à 80 %, grâce notamment à la diffusion, à la vente de spectacles auprès d’un réseau international (60 à 70 %), et à la coproduction qui permet de financer les phases de création (20 à 30 %). Les 20 % restant sont des financements publics (Drac, région et ville de Lille), indispensables au fonctionnement de l’association et qui sont complètement mutualisés.

Entre recherche artistique et rentabilité économique

Emmanuelle Wattier (© Pierre Gelin-Monastier)

Emmanuelle Wattier (© Pierre Gelin-Monastier)

La particularité de l’Amicale de Production est que nous sommes en capacité de nous autofinancer – du moins en partie. Les bénéfices liés à la diffusion nous permettent de stabiliser la structure, d’investir dans de nouveaux projets, d’aider des créations en souffrance, de développer de nouvelles compétences (prospection, coordination technique, etc.), de mutualiser des fonctions qu’une compagnie seule ne pourrait pas assumer…

Dans l’histoire de l’Amicale, ce qui est important de préciser, c’est qu’elle a fait l’expérience en sept ans de la consolidation et de la pérennisation. Il y a des succès, des projets qui sont encore aujourd’hui des locomotives économiques : Cheval, Germinal ou des installations comme « Les Thermes ». Ils participent de la notoriété de la structure.

Nous avons toujours vu l’Amicale de Production comme un projet d’entreprise, avec une analyse de l’économie, une réflexion sur la manière dont s’équilibrent production et diffusion. Nous sommes vraiment entre la production ultra subventionnée, basée sur la recherche, et la production ultra privée, qui recherche la rentabilité des spectacles. Nous avons essayé de créer une production hybride, qui vise à la fois l’expérimentation, la liberté du geste artistique, et le fait de diffuser les projets, de telle sorte qu’ils soient vus afin de faire des bénéfices.

Assumer le côté entrepreneurial

Le changement en SCIC cherche effectivement à assumer le côté entrepreneurial. Un autre aspect porte sur la gouvernance : les personnes qui prennent finalement les décisions, qui produisent, qui font les spectacles au jour le jour, ce sont les artistes, les porteurs de projets, les gens de la production. L’idée est d’assumer cette responsabilité et le fait de prendre le risque de cette production des spectacles. La transformation en SCIC va au bout de cette logique.

C’est aussi de se retaper dans la main. Nous sommes près de 40 associés, donc autant de porteurs de projets, de salariés… Nous avons envie d’intégrer des scènes publiques, pour réfléchir à cette relation entre artistes et programmateurs. Le multi-sociétariat des SCIC correspond vraiment bien à ce qu’on veut faire de l’Amicale de Production, au fait d’être producteur de nos spectacles.

Outre le partage des ressources publiques communes, nous souhaitons accentuer la collaboration et la coopération par la mise en place, pour la première fois, d’un symposium artistique, un lieu où les porteurs de projets pourront parler des problématiques artistiques et de l’émergence de ces projets. Un autre point est évidemment la solidarité économique, le fait que les bénéfices continuent de soutenir des créations nouvelles.

Propos retranscrits par Élodie NORTO et Pierre GELIN-MONASTIER

Lire tous les volets de notre série :



ATELIER « ESS & CULTURE » AUX BIS DE NANTES
18 JANVIER 2018 À 16H

Dans le cadre des BIS de Nantes, le 18 janvier prochain, Profession Spectacle organisera un atelier sur le thème : « Une économie sociale du spectacle est-elle possible ? » Il réunira :

  • Philippe Kaminski, ancien président de l’ADDES et actuel représentant en Europe du Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire de Côte d’Ivoire (RIESS)
  • Bernard Latarjet, conseiller culturel, auteur d’un rapport sur ESS & Culture pour la Fondation Crédit Coopératif
  • Stéphanie Thomas, présidente de l’Ufisc

Atelier modéré par Pierre Gelin-Monastier, rédacteur en chef de Profession Spectacle.



Crédits des photographies : Pierre Gelin-Monastier



 

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